C'est l'anatomie d'un mariage vue des deux côtés d’un jeune couple du début des années1960, les deux faces d’une même histoire racontée successivement sous deux angles différents. L’un (pas forcément le premier, l’ordre de visionnage est indifférent) est le point de vue de la femme, l’autre celui du mari. Et les deux films se ressemblent et ne se ressemblent pas

Les films s’ouvrent sur une série de cartons, où Cayatte explique le principe de son double film, qui se terminent par « Qui a raison ? Qui a tort ? A vous d’en décider ». Le cinéaste méprisé par Truffaut, et bêtement surnommé « l'avocat du cinéma » ne quitte donc pas ici totalement les prétoires.

Mais il ne s’agit pas pour autant de désigner un coupable, de départager le Bien et le Mal. Cayatte est ici le témoin d’une culpabilité introuvable, d’un monde en perte de repères. S’il semble abandonner momentanément les grandes causes et se concentrer sur la vie d'un jeune couple, "La Vie Conjugale" lui permet d’aborder quelques grands sujets de société de l’époque : Opposition à la guerre en Algérie, revendications à plus de liberté de la jeunesse, émancipation sexuelle, avortement, emprise masculine et soumission de la femme à l’homme…

Sous les dehors d’une histoire d’amour différemment vécue, le film est un premier pas pour appréhender la situation sociale des femmes du début des années 60’, époque charnière entre après-guerre et 68, entre début d’émancipation et mouvements féministes.

Cayatte se fait le témoin de la sociologie d'une époque et se révèle parfait chroniqueur au service de ses histoires. Et on dit que dans ces années, seule la Nouvelle Vague a innové ! Ici aussi il y a de l’innovation. Intelligence du dispositif bien sûr, complexité du scénario qui multiplie les correspondances entre les deux versions de cette même histoire différemment vécue, mais aussi rythme du récit, interprétation, attention au décor, et description attentive de cette moyenne bourgeoisie vieillissante des années 60. Ce film, (sorti en 1964, la même année qu’Une femme mariée » de Godard) montre que Cayatte savait inventer, et valait beaucoup mieux que le mépris dans lequel Truffaut le considérait.


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le 1 nov. 2023

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