Dumont attaque un système "ennemi" en esquivant, en se protégeant, en ne se mettant jamais en cause ni en danger. Le pire c'est qu'il semble en être conscient car c'est la façon dont le système met en scène le réel qu'il met en cause. Mais lui, il fait quoi ? La pirouette finale (surgissement odieux de l'arbitraire dans la vie de France que je ne révèlerai pas tellement c'est scandaleux et dégueulasse), ça sert à quoi, à part créer un choc nerveux, qui ne produit ni récit ni pensée ?
J'ai toujours détesté ces cinéastes bidons qui enseignent le documentaire à la Fémis et n'ont que l'injonction "faut-pas-faire-comme-la-télé" dans la bouche. A force de pas-faire-comme-la-télé, eux ne font rien du tout, s'opposent bêtement, en se mettant de facto dans le camp du bien. France est malhonnête car il nous fait croire à la confusion alors que tout est bien dessiné.
Pour moi il n'y a rien de plus révoltant qu'un metteur en scène qui regarde les autres de haut, perché sur sa tour d'Ivoire Cinéma. Il y a toute l'arrogance du cinéma quand il oublie qu'il est un art dialectique dans ce film. Ce qui ne va pas, c'est qu'au système médiatique devenu fou et malin, Dumont n'oppose que son talent, que sa signature. Mais une griffe n'a jamais suffit - Godard, par exemple, n'aurait jamais fait une chose pareille. Pourtant le père Jean-Luc, s'y connait niveau griffe, mais jamais il ne nous aura fait croire qu'il suffit de passer les choses à la moulinette Cinéma pour que survienne beauté et vérité (d'ailleurs je me disais, en 1975 on a eu Ici et ailleurs, en 2021 on a France, on a ce qu'on mérite - et puis en 1975, un grand cinéaste n'avait pas peur de nommer les guerres qui existaient, et les pays qui ne sont pas la France)
Et puis, sur cette question de griffe : Dans une scène du film, on demande à France pourquoi elle se met en scène autant dans ses reportages, et France répond : "bah...parce que c'est mon style". S'il était devant moi, je poserai la même question : dis nous, pourquoi Bruno, pourquoi ce récit troué de tous les côtés, cette absence de ton vraiment choisi, cette musique dégueulasse, ces travellings pompeux qui ne percent rien, ces acteurs qui n'articulent pas ? eh bien je suis sûr qu'il me répondrait pareil : "parce que c'est mon style".
Mais le style sans le désir, c'est la mort. Dumont tue à chaque plan. Voilà pourquoi à mon avis, il trahit, pour la première fois (et j'espère la dernière).

B-Lyndon
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le 29 août 2021

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B-Lyndon

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