Quatre segments, quatre réalisateurs, quatre sentiments, voilà le programme de Four Moods, quatre moyens métrages allant de 30 à 42 minutes chacun et qui vont mettre en image un sentiment. Pai Ching-Jui s’occupe de la Joie (32min) avec cet érudit, adepte de plaisirs charnels, qui reçoit la visite d’une jolie fantôme. King Hu va mettre en images la Colère dans une histoire où diverses factions s’affrontent dans une auberge isolée. Lee Hsing s’occupe de la Tristesse avec cet homme qui sort de prison, qui apprend que sa famille a été massacrée et qu’un fantôme occupe désormais sa maison. Enfin, Li Han-Hsiang s’occupe du Bonheur avec ce pêcheur qui rencontre un flûtiste, qui est aussi un fantôme, et qui va devenir un compagnon de beuverie. Inspirés de l’opéra chinois et du Strange Stories From a Chinese Studio de Pu Songling, ces quatre segments, en explorant les sentiments qui envahissent les humains lorsqu’ils sont confrontés aux fantômes, vont surtout mettre en images les vices de ces humains.


Chaque réalisateur, avec son propre style, sa propre touche, va donner naissance à un moyen métrage avec une narration assez facile à suivre. Pai Ching-Jio ouvre le bal avec la Joie et choisit de rendre son segment entièrement muet, uniquement animé par les bruitages et la musique, avec des personnages au jeu très théâtral, réussissant sans aucun subterfuge à faire naitre une certaine tension devant un spectacle certes parfois un peu étrange, mais néanmoins intéressant.

King Hu hérite de la Colère (40min) et localise son histoire dans un lieu qu’il semble énormément apprécier, une auberge, en livrant le segment le plus orienté action. Il va parfaitement utiliser l’espace de cet endroit clos et mettre à l’honneur les arts martiaux. La tension est gérée parfaitement, les personnages sont sympathiques, le long combat très agréable et bien mis en scène, mais on a l’impression que King Hu passe un peu à côté de son sujet. La Colère, on ne la ressent pas vraiment et nous sommes plus ici dans une histoire de tromperie et de cupidité. Ça n’en fait pas un mauvais segment pour autant, simplement il semble un peu hors sujet d’autant plus que, contrairement aux trois autres, il ne traite pas de fantômes ou de surnaturel.


La Colère qu’oublie King Hu aurait pu s’ajouter à la tristesse du segment de Lee Hsing, Tristesse (30min). Il s’agit d’un homme en colère qui découvre sa famille massacrée à sa sortie de prison. De la tristesse, de la colère, l’envie de vengeance. Le travail sur l’image est très bon, avec des cadrages superbes et de beaux effets de lumière. La caméra de Lee Hsing est d’une fluidité exemplaire, arrivant à embrasser les sentiments de son personnage central. La lenteur du scénario risque malgré tout d’en rebuter certains et, de tous les segments, c’est celui qui prend le plus son temps pour ses enjeux.

Le dernier segment, Félicité (41min), mis en boite par Li Han-Hsiang, va nous parler d’amitié et comment un fantôme, alcoolique de son vivant, va enfin connaitre le bonheur dans l’amitié qu’il va lier avec ce pêcheur, pas le dernier pour la picole. Mais le pêcheur découvrira également le bonheur grâce à la musique qui a un pouvoir très particulier sur les poissons. La relation entre les deux personnages est très intéressante, chacun trouvant ce qu’il a besoin dans l’autre. Mais à l’instar du précédent, la lenteur est de mise et risque d’en laisser certains sur le carreau.


Avec Four Moods, Taïwan fait son Kwaidan six ans après les japonais. Les quatre segments sont très bien mis en scène, très bien interprétés, souvent intéressants, mais leur relative lenteur et la longue durée de la bobine (2h24) en font un spectacle qui pourra laisser de marbre, voire complètement rebuter.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/coffret-king-hu-vol-ii-presentation-et-critiques-1965-1993/

cherycok
6
Écrit par

Créée

le 15 févr. 2024

Critique lue 11 fois

cherycok

Écrit par

Critique lue 11 fois

Du même critique

Journey to the West: Conquering the Demons
cherycok
7

Critique de Journey to the West: Conquering the Demons par cherycok

Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...

le 25 févr. 2013

18 j'aime

9

Barbaque
cherycok
4

The Untold Story

Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...

le 31 janv. 2022

17 j'aime

Avengement
cherycok
7

Critique de Avengement par cherycok

Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...

le 3 juil. 2019

17 j'aime

1