J'aime les années 80.
Que ce soit son cinéma, sa musique, je trouve ça terriblement nostalgique bien que j'ai absolument pas vécu à cette époque évidemment. C'est un style si reconnaissable, si particulier, presque hors du temps.
C'est glamour, expressif, excessif ?, coloré, foisonnant, parfois très violent, souvent très beau. Et à Hong-Kong, c'est encore plus que ça. Avec une touche de mélancolie et de beauté pure et sincère, derrière des néons multicolore d'une ville paradoxale.
La Nouvelle Vague aidant, on a des histoires plus sincères, plus lyriques, mais aussi plus déstabilisantes.


C'est dans cette mouvance que s'inscrit ce cher Patrick Tam. Un réalisateur issu de cette Nouvelle Vague, comme un porte étendard au même titre que d'autres grands noms du genre.
Je ne connais pas toute la filmo du bonhomme, mais j'ai réussi à comprendre son style, sa personnalité.
Suite à The Sword, un Wu Xia Pian assez sombre et psychologique, particulièrement bon, il s'éloignera d'une certaine rigidité mâture pour proposer des films plus doux, mais tout aussi intenses.
En effet, comparer les relations tragiques et toxiques des personnages de Love Massacre (tout est dans le nom) et ceux de ce Final Victory par exemple, c'est tout un revirement (My Heart is that Eternal Rose, ce sera bientôt ton tour).


Avec le temps, Tam s'est représenté un imaginaire plus coloré et extravagant. Plus pop en quelque sorte. Un style qui est précurseur au cinéma de Wong Kar-wai d'ailleurs, les 2 hommes étant particulièrement proches.


Ce Final Victory se présente comme une jolie fable romantique dans un contexte criminel léger.
Il débute sur une représentation d'un duo classique au cinéma depuis Mean Streets, le duo de petites frappes frères de sang.
Et comme dans Mean Streets (et As Tears go By plus tard) on retrouve ce fameux jeu de pouvoir, le grand frère étant supérieur à l'autre, le dominant par fatalité.
Sauf qu'ici, l'originalité et d'inverser les caractères.
L'aîné est plus fougueux, plus instable et dérangé. Tandis que le jeune est plus effacé, timide et peureux.
C'est une chouette idée, car Mean Streets montrait l'assurance du petit frère qui se croit protégé par un aîné tout puissant, montrant alors les failles d'une juridiction criminelle ainsi que d'une loyauté/responsabilité oppressante.
As Tears Go By montrera lui un benjamin impuissant cherchant à faire ses preuves dans un monde qui le méprise.
Final Victory offre une version plus mélo, du petit rien du tout fragile qui s'interdit d'exister.


Ce petit rien du tout c'est Hung, joué par un Éric Tsang qui s'éloigne fort heureusement du rôle du petit bouffon autiste pour livrer une performance juste et touchante.
Son grand frère c'est Tai-Bo, joué par Tsui Hark. Pas un grand monsieur quand il est acteur, mais qui réussit sans souci à incarner des excentriques décalés, en adéquation avec son visage carré et ses yeux médisant (comme on a pu le voir dans le chouette Yes Madam).


Tai-Bo doit aller faire un tour en prison.
Il confit donc ses 2 femmes à son ami pour qu'il s'occupe d'elles.
La première, Ping, est une excentrique dépensière et capricieuse.
La seconde, Mimi (dont le nom convient parfaitement) est une jeune femme qu'on découvre triste et dépassée mais qui deviendra charmante et pétillante à sa rencontre avec Hung.
Tai-Bo précise cependant à son frère qu'elles croient toutes 2 à son entière fidélité.


Ce qui causera en 2ème parti des moments de comédie sympathiques à base de quiproquo vaudevillien. Comme l'accoutumé à HK.


La 3ème partie est une légère romance, timide et émouvante. Car Hung et Mimi se découvrent, s'apprivoisent et tombent rapidement amoureux. Mais naturellement Hung est partagé entre son amour pour Mimi, et sa loyauté à son grand frère.
D'autant que Mimi s'amuse a provoquer et charmer, dans l'espoir qu'il cède.
Cette partie est adorable, doucement adolescente et toute mignonne.


La 4ème est plus dans une optique de cavale, et on retourne dans le milieu criminel, avec pertinence.
S'ensuit naturellement une fin superbe, faisant penser à des œuvres japonaises, mais avec un style purement HK.


En clair, un très beau film.
Et très bien écrit qui plus est.
Car ses différentes parties sont clairement différentes, et pourtant elles se complètent formidablement. C'est une suite logique, émouvante et toujours prenante.


Un récit teinté de petits moments de comédie légèrement absurdes, mais jamais forcé. Renforçant ce côté si particulier et attachant.
Évidemment il y a un lyrisme superbe. Les personnages sont bien écrits, leurs dilemmes et leurs personnalités aussi.
C'est très touchant, plutôt profond.


D'autant que le film est très musical. Il a une approche assez singulière de la musique. On a pas mal de chansons tristes, terriblement mélancoliques la plupart du temps en karaoké. Ces moments sont sublimes, le temps semblent s'arrêter et l'échelle de plan change comme une introspection.
Comme si les personnages n'osaient exprimer leurs sentiments qu'en chanson, avec une sincérité pure.
Ce qui fait pas mal penser à Stanley Kwan, un autre réalisateur de cinéma d'auteur qui utilise aussi parfois cette méthode.
Et c'est quelque chose que je trouve vraiment sublime.


Autre chose vraiment efficace dans ce film, c'est l'espèce de violence fantôme qui entoure l'œuvre.
Le film n'est pas vraiment violent, voire même pas du tout. Pourtant, avec la tension et la connaissance du milieu, on sent que quelque chose flotte dans l'air. Que les personnages ne sont pas à l'abri. Et que ça va péter à un moment fatidique. D'ailleurs la musique extra-diégétique réussit parfaitement à accentuer cette tension, avec un synthé nerveux et des sons plus aiguë et vibrant, un peu à la The Killer étrangement.
Cette tension existe, colle au film magistralement.
Ce qui donne beaucoup de puissance à la relation de Mimi et Hung, tragique et "interdite".


Mais le ton réussir à alléger cette tension. Avec les petits moments de comédie subtiles et innocents, mais aussi avec les doux moments romantiques. Des jeux de regard. Des sourires timides. Afin de dépeindre un amour sincère, presque enfantin. Et très légèrement érotique.


La réalisation est dans cette idée de simplicité. Les plans sont variés et bien pensés. Les mouvements de caméra sont parfois assez inventifs.
Mais surtout le réal a la chouette idée de proposer des plans subjectifs durant les dialogues. Les personnages s'adressant face à la caméra.
Il y a même 2 ou 3 moment où Hung semble d'adresser directement au spectateur.
Un petit côté Nouvelle Vague française assez sympa !


Que ce soit l'écriture, ou la réalisation, on est clairement dans un film d'auteur typique de cette époque. Et c'est maîtrisé.
Certain pourrait trouver que le mix n'est pas très homogène, mais quand on connaît ce cinéma, on aime cette richesse si particulière.


Final Victory est ce genre de film. Émouvant, beau et sincère. Avec une amourette tragique, mais traitée comme un petit conte chaleureux. Sans jamais sur-exploiter sa romance, ni son univers criminel. Évitant les clichés poussifs, pour offrir une œuvre plus désaxée et intimiste.

Créée

le 7 mai 2021

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Sacré_vandale

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