À peine un mois après avoir été débouté du tournage de « Autant en emporte le vent », George Cukor est engagé par le producteur Hunt Stromberg pour réaliser « The Women ». Les 130 rôles du film sont tous joués par des femmes, et toutes les grandes stars féminines de la MGM de l’époque, à l’exception de Greta Garbo et Myrna Loy, sont associées au projet.


À New York, la riche Mary Haines (Norma Shearer) vit heureuse et épanouie dans une immense demeure, avec son mari Steven et sa fille little Mary (jouée par Virginia Weidler, que l’on retrouve notamment dans l’excellent « The Philadelphia Story »). Madame Haines, une femme calme et distingué, invite régulièrement son cercle d’amies à déjeuner chez elle. Celles-ci composent un groupe plus hétéroclite, où l’on trouve notamment l’intarissable Sylvia Fowler (Rosalind Russell) et la jeune et timide Peggy Day (Joan Fontaine).


Au cœur de toutes les conversations d’alcôve du jour : la rumeur selon laquelle le sage et fidèle Mr Haines aurait commis l’irréparable, et tromperait sa femme chérie avec une vendeuse de parfums, la sulfureuse Crystal Allen. Mary Haines ne tarde pas à apprendre elle-même l’histoire, et, dévastée, s’interroge sur la conduite à adopter.


« The Women » est un film sur le mariage, qui s’interroge notamment sur la conduite à adopter pour la femme moderne par rapport à l’adultère (doit-elle sauver son mariage, ou quitter son époux ?), et dans une moindre mesure sur l’impact du divorce sur les enfants. Le film de Cukor s’ancre résolument dans l’actualité de l’époque : on parle ainsi "d’aller à Reno" pour divorcer – la ville de Reno, dans le Nevada, était pionnière pour faciliter les formalités de divorce – et l’on montre un souci permanent de "modernité" (dans le fond : opposition de la nouvelle génération et l’ancienne illustrée par la dispute entre Mary Haines et sa mère, et la forme : scène de défilé de couture filmée en technicolor).


Aux commandes, on retrouve le génial George Cukor, qui excelle comme toujours dans la comédie la plus hilarante. Le réalisateur nous dépeint toute une galerie de personnages aussi variés que savoureux :



  • La plus abominable des commères, l’acide et désabusée Sylvia Fowler, interprétée par une Rosalind Russell (« His Girl Friday ») absolument géniale

  • La mère pondeuse, Edith (et ses cent-vingt petites), complice dans le crime de Sylvia, mais qui sait habilement battre en retraite au bon moment

  • La matrone, la Comtesse de Lave, mariée et divorcée trois fois, mais qui persiste à croire dur comme fer en l’amour (en français dans le texte)

  • Les tentatrices : la sculpturale Miriam (Paulette Goddard), plus digne et intègre que la moyenne de la cour, et la dangereuse Crystal Allen, la ‘garce’ de service, une impitoyable Joan Crawford au sommet de sa forme qui illumine la meilleure scène du film

  • Sans oublier la grand-mère, Mrs Morehead, une vieille dame très distinguée qui a les yeux en face des trois et les pieds bien sur terre (une parfaite Lucile Watson)


En dehors de tous ces seconds rôles un peu caricaturaux, mais bien souvent excellents, l’on a également Norma Shearer qui interprète la trop sérieuse Mary Haines, autour de laquelle le film est construit, et la jeune Joan Fontaine qui incarne un peu la "nouvelle génération", et qui livre une prestation un peu hésistante (elle enchaînera ensuite deux très bons rôles chez le grand Alfred, alors, on lui pardonne son jeu à base de lever de sourcil droit).


Avec un sujet pareil et un casting de cette volée, forcément, le film est une succession grandiose de dialogues qui fusent de toutes parts, de piques acides. L’on se raconte les derniers potins et l’on en profite pour casser du sucre sur le dos de la voisine. Crêpages de chignon mémorables, avec notamment une scène inoubliable avec Rosalind Russell et Paulette Goddard, tournée sans doublures – elles restèrent toutefois très amies après –, et autres plans de revanche machiavéliques sont également au programme, et c’est un vrai régal.


Avec « The Women », George Cukor réalise une comédie pleine de vitalité, très drôle et réussie, qui s’appuie sur un excellent casting et un sujet toujours d’actualité. Dialogues savoureux, coups bas incessants et commérages au vitriol, un film à mettre entre toutes les mains !

Aramis
8
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le 19 juin 2015

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