Revoir Feast après toutes ces années (je l'avais découvert à sa sortie en 2007) a un petit goût bizarre, car si à l'époque, John Gulager était un inconnu notoire, il a clairement depuis révélé au grand jour la nature de son cinéma. Avec Feast II et Feast III, ses deux suites en surenchère constante de vannes scatos, sexuelles à grand renforts d'immoralités (meurtres gratuits d'enfants, sadismes et carnage bien complaisant associés à l'humour gras qui cherche la complicité du public...), mais surtout avec Piranha 3DD, qui doit être une des pires suites de la décennie (pour rappel, on y voyait un mexicain se masturber dans les filtres d'une piscine, des lolos à la louche en 3D, une bite coupée et David Asseyloff qui tentait de nous faire rire en laissant des gens mourir pendant que Ving Rhames repompait Planète terreur). On donnait dans la régression premier degré où le trash se répandait clairement dans la déviance paraphile à base de sperme vomi caca. Et c'est exactement ce qui transparaît dans Feast. Les créatures violent régulièrement les corps de leurs victimes, une bite coupée qui éjacule à répétition, du vomi, de l'humour trashouille... Alors qu'est-ce qui fait que personne ne s'est rendu compte de la supercherie, et que ce film continue de fonctionner malgré les déviances évidentes de son auteur ? Essentiellement deux petites choses, qui font toute la différence : les personnages et la relative générosité. Malgré la lourdeur du procédé d'introduction (piqué à Snatch), les personnages dégagent tous quelque chose, et en bons classiques de la série B, ils assument totalement leur carrure, ce qui les rend immédiatement naturels. On sent immédiatement la proximité, et c'est elle qui nous invitera finalement à rester pour endurer la médiocrité immorale (meurtre d'enfant, pourrissement progressif, on ira crescendo dans le poisseux). La générosité enfin, car le film resserre au maximum son intrigue, limitant les temps morts au simple développement des personnages survivants, et cultivant un côté invulnérable des créatures qui rend la survie très improbable. Les bestiaux bénéficient d'ailleurs d'effets soignés, à savoir un design massif et quelques petites apparitions vicieuses qui dopent l'efficacité du suspense. La recherche d'efficacité et le traitement plutôt sérieux de la violence permettent au film de ne pas se noyer dans ses vices qui pointent régulièrement (on sent souvent l'humour qui pointe dans les mises à mort et les explosions de trash, comme un rire gras bessonnien dans le fond). Alors inconnu, John Gulager est obligé de garder sa bite dans son pantalon, ce qui l'oblige à ne pas trop nous pisser dessus et à accoucher finalement de son meilleur film, une petite série B nerveuse et brève, dont l'étrange mélange Bis/malsain/humour conserve un relatif parfum de nouveauté (dont le trash pourra marquer durablement son public).