Fairytale
5.9
Fairytale

Film de Alexandre Sokourov (2022)

Hitler, Mussolini, Churchill et Staline sont dans un hammam, qui en sort ?

C'est entre 40 kg d'haltères et une fin de séance à la salle de sport qu'un futur prof de cinéma s'est avancé vers moi avec de l'intéret pour mes tatouages. Après un court échange sur le sport, l'orientation, l'avenir et surtout le cinéma, il m'a recommandé Fairytale, un film faisant écho à l'esthétique de mes marques noires sur la peau. Ne me donnant aucun indice sur les tenants du film, j'ai décidé de suivre son conseil en ne prenant aucune info en avance et me suis précipité à mon ciné d'auteur local pour le voir.


Ainsi, dans un fracas oppressent marquant le début du film, je ne pus que comprendre la chaude recommandation que l'on m'avait faite. Gravure à la Gustave Doré, photos d'archives et collages à l'esthétique Lovecraftienne, nous nous retrouvons plongés dans le purgatoire de Doré voir le premier cercle des Enfers de Dante. Face à nous, se dresse ce que l'humanité a produit de pire parmi ses membres, et pourtant. Sous l'insatisfaction et les regrets de l'infatigable tyran Hitler, un Staline mal en point, un Churchill addict à la Reine et un Mussolini travestissant le socialisme qu'il a détruit par le passé, se cache en fait de bons vivants dont les différences n'ont d'égales que leur proximité finale dans ce purgatoire. Ainsi, au travers d'une marée humaine, nos dictateurs passent le temps, patientant que leur accès au paradis ou l'enfer se dresse devant leur chemin, nous offrant ainsi des situations ubuesques d'un Hitler brûlant un frêle moulin à vent en imaginant Paris, un Churchill aggripé à un téléphone étrangement immense ou même un Mussolini à cheval, se demandant pourquoi est il dessus.


Le film est très expérimental et au-delà de son esthétique d'Antiquité, il propose un cinéma très moderne tant dans son procédé de fabrication que ses idées. On y voit la technologie Deepfake utilisée à son paroxysme et des effets d'incrustations dans les collages quasi-invisibles. Les dialogues jouent à merveille le rôle que remplissent ces personnages. Nous y voyons alors une justice qui ne vient pas, mettant en difficulté dieu lui-même. Jésus quant à lui, quasi-mort, est le personnage énigmatique, laissé pour compte par son propre père et condamné à attendre en subissant la présence des odieux personnages qui l'entourent. Doit-on y voir une symbolique entre la religion et les régimes politiques qui l'ont tous instrumentalisés ? Question en suspens. Le film reste, en tout cas, énigmatique quant à l'éventuel message qu'il souhaite passer.


Nous sortons du cinéma comme par une porte menant à la réalité, on vient de vivre une sorte de ballade onirique, étrangement sensorielle et hypnotique. Un vrai coup de cœur à ne pas mettre entre toutes les mains !

21rems10
8
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le 21 mai 2023

Critique lue 37 fois

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