Confier un projet aussi biblique que Exodus à un cinéaste se définissant comme un agnostique à forte tendance athée comme Ridley Scott avait de quoi intriguer, d'autant que le cinéaste souhaitait travailler avec un scénariste non-croyant comme lui, à savoir Steven Zaillan.


Désireux d'éviter toute bondieuserie et de proposer un portrait plus nuancé du prophète Moïse, Ridley Scott et ses scénaristes vont ainsi donner naissance à une vision à la fois couillue et controversée des saintes écritures, rapprochant le film du Noé de Darren Aronofsky sorti un peu plus tôt. Une approche casse-gueule mais intéressante, Exodus laissant le choix aux spectateurs de croire en un Moïse simple jouet d'un Dieu vengeur et destructeur voulant anéantir un peuple qu'il juge décadent et rationaliste (en gros, indigne de vivre car il ne croit pas en lui), ou en un prophète fanatique et aveugle, proche de la folie, prenant de simples coïncidences pour des signes divins.


Dans les deux cas, un regard extrêmement sévère sur la religion qui étonne dans le paysage hollywoodien, mais qui va malheureusement se confronter à un scénario infoutu capable de faire quoi que ce soit de cette approche prometteuse. Mal branlé et semblant se foutre royalement de ce qu'il raconte, le script se contente d'enchaîner sans passion aucune les moments importants, incapable également de construire un minimum des personnages mal définis. Le film passe ainsi totalement à côté du potentiel tragique de son histoire, n'illustre que sommairement son duel fratricide et ne propose qu'une réflexion superficielle sur la foi et les croyances aveugles.


A ce manque flagrant d'émotion et de dramaturgie, s'ajoute un casting boiteux, multipliant les erreurs de casting dignes d'un Hollywood vieillot et communautariste. Christian Bale en fait des tonnes dans son rôle de prophète halluciné, Joel Edgerton n'est clairement pas à sa place et semble se demander tout du long ce qu'il vient foutre là, tandis que le reste de la distribution ramasse les miettes et semble tout autant paumée, qu'ils s'agisse de Ben Kingsley, de Sigourney Weaver (réduite à deux pauvres phrases), d'Aaron Paul ou encore de John Turturro.


Reste un spectacle loin d'être désagréable à suivre et qui passe relativement vite malgré sa durée conséquente, Exodus bénéficiant tout de même de la mise en scène carrée de Ridley Scott et d'une direction artistique solide, offrant de bien belles images à défaut d'exploiter convenablement un parti-pris pourtant prometteur.

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le 11 févr. 2016

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Gand-Alf

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