Redécouverte de ce superbe film d'un réalisateur que j'adore. John Boorman parvient à recréer l'atmosphère magique et mystique de la légende arthurienne avec une esthétique saisissante - en s'appuyant sur les écrits de Thomas Malory, il y ajoute sa propre interprétation et des éléments visuels assez épatants pour l'époque. Le réalisateur de Delivrance a vraiment su, tout comme Verhoeven dans La Chair et le Sang à doser savamment la beauté de l'histoire et du récit avec l'aspect glauque et brut de la période médiévale, dont s'inspirera avec une extrême lourdeur la série Game of Thrones.

En effet, rappelons qu'il s'agit de l'histoire d'un souverain - le roi Uther Pendragon - qui célèbre une trêve après des conflits avec le seigneur voisin. Lors d'une fête, ce dernier, influencé par l'alcool et la convoitise, ordonne à sa femme, Ygraine, de danser de manière suggestive devant le roi. Consumé par la jalousie, le roi exige alors d'avoir Ygraine, déclenchant ainsi de nouveaux conflits. Merlin l'enchanteur, accepte de satisfaire les désirs du roi en échange de l'enfant issu de cette union. À la naissance d'Arthur, Merlin l'emmène loin d'Uther pour le préparer à son destin royal. Cette légende illustre l'appétit charnel de Uther Pendragon et la manipulation de Merlin pour façonner le futur roi Arthur.


Une histoire servie par une très belle mise en scène mettant en avant une histoire forte d'enseignements : le pragmatisme contre l'orgueil, le rôle du dirigeant et son devoir envers son peuple, ainsi que la connexion avec la terre et son essor grâce à une gestion sage. Le film et sa légende abordent également le rapport entre la raison et le sacré chez les hommes de pouvoir.


Ce qui fascine évidemment, c'est l'aura autour de l'Excalibur, l'épée légendaire, qui confère à son détenteur un pouvoir magique, à condition qu'il en soit digne. Dépouillée de ses ornements, Excalibur pourrait incarner la sagesse d'un bon souverain, la générosité et le sacrifice au nom du bien commun. On peut établir une analogie entre Uther Pendragon, qui gouverne principalement par la force, et des rois comme Louis XIV, tandis qu'Arthur règne par la sagesse, sans nécessairement brandir l'épée, pour le bien-être de ses sujets, tel Louis XI ou Henri IV.

Bien que l'épée soit un outil ancien, elle demeure un symbole puissant, distinctif et efficace, même dans notre monde contemporain, à l'ère du nucléaire et des technologies avancées. Les terroristes de Daesh utilisent des couteaux pour semer la terreur, des poignards sont employés par des groupes extrémistes pour des actes de violence, et les génocides tel que celui des Tutsis ont été perpétrés avec des armes tranchantes. De plus, de nombreux symboles nationaux, tels que le drapeau de l'Arabie saoudite ou certaines statues françaises, arborent fièrement des épées, rappelant ainsi la force et la justice. Particulièrement, la symbolique de l'épée n'est vraiment pas ignorée dans le monde arabe, elle représente souvent le djihad et on peut aussi penser à la symbolique du prénom, tel que celui du fils de Kadhafi, s'appelant Saïf (épée) Al-Islam. En fin de compte, l'épée demeure un symbole omniprésent, porteur de multiples significations, et aucun intellectuel français rentrant à l'Académie ne peut ignorer son importance symbolique.

verbomanie
10
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le 12 avr. 2024

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verbomanie

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