Un film formellement beau mais qui peine à toucher le spectateur

Tomas (James Franco) est écrivain. En panne d'inspiration pour son nouveau roman, il s’est retiré dans une cabane de pêcheurs isolée au milieu de l'hiver canadien. En allant retrouver sa compagne, il percute deux enfants qui faisaient de la luge sur une route enneigée. L’un d’eux est tué. Bien qu’il ne soit pas responsable de ce qui est arrivé, Tomas ne parvient pas à surmonter ce traumatisme et s’enfonce dans la dépression. Il quitte sa compagne, fait une tentative de suicide puis peu à peu se remet à écrire en utilisant cet épisode de sa vie. Ce troisième roman est couronné de succès.
Tomas éprouve alors le besoin de revoir les lieux de l'accident, la mère des enfants (Charlotte Gainsbourg), la maison devant laquelle s'est déroulé le drame. Il passe toute une nuit auprès d'elle qui ne cesse de lui répéter qu'il n'est pas coupable, que c'était à elle de surveiller ses fils.
La carrière de Tomas décolle, il se marie avec Ann (Marie-José Croze), adopte son adorable fillette, devient riche et célèbre alors que la mère de l'enfant continue à mener une existence presque misérable en compagnie de son fils aîné, Christopher (Robert Naylor). Devenu adolescent celui-ci va tenter de se rapprocher de Tom, lui reprochant implicitement d'avoir utilisé le drame et réussir sa vie professionnelle et personnelle. Après une crise conflictuelle entre l'adolescent et Tom, les choses semblent s'apaiser.


Mon opinion sur ce film


Esthétiquement, le film est très beau (photographie de Benoît Debie) avec des images saturées et des lumières envoûtantes, soutenues par la musique répétitive d’Alexandre Desplat. On retrouve l’attrait de Wim Wenders pour la lenteur et le découpage des paysages, vus à travers les fenêtres qui lui servent de cadre. On ne peut s’empêcher de penser au peintre Edward Hopper mais aussi à certains plans du Ghost Writer de Polanski (dont la musique a aussi été écrite par le même Desplat). Ayant vu le film lors de sa diffusion à la télévision, je ne l’ai pas vu en 3D. Je me demande d’ailleurs ce que cette technique peut apporter à ce genre de film plus contemplatif que spectaculaire.


Hormis cette beauté formelle, que dire du contenu du film ? L’histoire, à partir du scénario de Bjørn Olaf Johannessen, est, en soi, dramatique : la mort d’un enfant lors d’un accident stupide dans lequel on ne peut incriminer personne, si ce n’est l’insouciance des enfants et la faute à pas de chance. Mais, est-ce dû à la manière de filmer de Wenders, est-ce dû au jeu des personnages, très intériorisé, presque mutique - que ce soit celui de James Franco, de Charlotte Gainsbourg ou même du jeune Robert Naylor, l’ensemble reste froid, comme si le réalisateur observait ses personnages du point de vue de l'entomologiste.


Mais, ce parti-pris est sans aucun doute un choix du réalisateur et nous rappelle par moments son chef d’œuvre "Les Ailes du désir", où les anges observent de loin les hommes qui s’agitent sous leurs yeux sans pouvoir interférer avec eux au risque de perdre leur statut angélique.


Outre que le film est marqué par le style de Wenders, on peut toutefois comprendre cette volonté de minimalisme pour rendre le traumatisme de cet écrivain qui ne se pardonne pas la mort d'un enfant et se sent responsable du devenir de sa mère et de l'adolescent survivant.


Mais, outre que le film paraît terriblement long (alors qu’il ne dure que 118 minutes), le spectateur a du mal avec le mutisme des personnages, leurs visages fermés, et leur absence de manifestations de sentiments. En bref, on reste sur sa faim. Rien d’étonnant à ce que le film ait fait un bide dans les salles et qu'il soit mal noté (note moyenne 2,8/5 sur Allociné, 17% sur Rotten Tomatoes et 4,3/10 sur Metacritic, bien qu'à mon avis, il vaille mieux que ça.

Créée

le 16 juin 2017

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Roland Comte

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