Escape from Mogadishu est un film nerveux, alors que peu de scènes d'action vont être mises à l'honneur, reste que Ryoo Seung Wan est un cinéaste plein d'entrain.

On se souvient de The Unjust, déjà en dehors des clous, plus soft et faussement tranquille, détournant les codes propres au genre coréen. On pouvait si besoin, se rattraper sur le dynamique et rythmé, The Agent ou sur le soupçon de comédie de Vétéran et, pour deux de ces films, sur l'excellent Hwang Jung-Min, toujours à sa place et marquant bien souvent la pellicule. C'est ce qui manque ici, même si on apprécie le désinvolte Zo-in Sung et que chacun des personnages aura autant de présence à l'écran et dans l'action, personne ne ressort vraiment. On ne parle pas des femmes, figurantes, ou des Africains dont le traitement n'aide pas au flou ambiant.

Prenant pour appui la présence des deux Corée lors de la guerre civile somalienne en 1990 et l'effondrement de l'Etat, le politique reste en filigrane mais le réalisateur en profite pour un message sur la réunification des deux pays. Focus sur l'intérêt de se situer au Sud tout en signifiant le musellement et le chantage que subisse les envoyés du Nord en pays étranger. Une occasion pour chacun de se révéler au regard de leur gouvernement, tentant le lobbying auprès du président somalien. Le Sud sera coiffé au poteau par le Nord déjà dans la place, et la guerre mettra fin à tout pourparler pour une fuite en avant désordonnée.

Point d'accroche à ce film au soupçon de thriller ce sera alors une action solidaire à fuir le pays en guerre, ensemble, et de nos deux ambassadeurs (Kim Yun Seok et Heo-Jun-ho) de rivaliser du cliché pour marquer le fossé. L'un utilisant le verbe et la bienveillance, l'autre le regard fermé et un semblant de dictacture, mais l'ensemble a pour lui d'être particulièrement spectaculaire et généreux et on apprécie la bonne lisibilité des actions et des personnages principaux qui n'est pas toujours la qualité première du genre sud-coréen.

On y retrouve l'abonné aux seconds rôles Jeong-man Sik et on regrette que les deux agents Sud et Nord, (Zo-in Sung et Koo Guy Hwan) soient également en rivalité constante. Un léger bémol au vue de la situation dramatique et qui rejoint ce conflit Nord-Sud faisant bien pâle figure face au chaos guerrier africain.

Les couleurs aveuglantes, les décors et l'imagerie ensoleillée (du Maroc) contribuent au décalage face au drame et les décors naturels participent à l'immersion avec une caméra qui ouvre son champ tout en le resserrant lors de scènes plus tendues. Celles de nuit seront inquiétantes et les rebelles tirant au rythme de leur sono sur l'épaule, renforcent le danger permanent et la perte des repères. Un certain réalisme se dégage alors pour ceux confrontés aux échanges de tirs dans un pays inconnu, sans aide ni soutien que leur propre capacité réflexive et de ruse à l'arrache. On reste saisi de tueries à l'aveugle, hommes femmes et enfants présents dans les rues. On échappera pas à une caméra nous le rappelant, tels l'amoncellement de corps ensanglantés, de celui d'un homme mort tenant son enfant dans les bras ou de ceux sur lesquels on roule dans une fuite effrénée où plus rien ne compte que la survie.

L'énergie déployée sur le peu de scènes d'action permet d'autant plus de profiter de l'ultime course poursuite, longue et furieuse, aux véhicules habillés comme on peut à parer les tirs croisés. Moment clé du film, parfaitement filmé, nous suivons avec autant de nervosité les conduites jouissives tout en restant ébahis de leur capacité à se situer. Nous aurons quelques plans de caméra d'un véhicule à l'autre pour vérifier les regards concentrés et affolés et assurer quelques dommages collatéraux aux poursuivants. Sans atteindre la maestria d'un Kim Jee Woon en milieu confiné, la tension et le suspense offre son moment. Et si on peut encore être surpris de la chance qui les accompagne tout du long, on regrettera alors la dernière scène de dérapage contrôlé que l'on aurait aimé être faite dans l'autre sens. Emotion oblige certainement.

D'autres situations tout autant dramatiques nous rappellent alors d'autres combats tout aussi réels, aux enfants-soldats, armés, tirant partout pour s'amuser, et le mélange entre divertissement et faits réels laissera quand même, un curieux sentiment.

limma
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le 8 août 2022

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