Quelle meilleure manière que de définir un artiste en commençant par son enfance ? C’est la période qui forge la légende, qui construit les fondations de ce qui deviendra l’un des plus grands guitaristes de tous les temps. Vous l’avez compris, Eric Clapton : Life in 12 bars retrace la vie du symbole de la Fender Stratocaster. Et de la plus belle des manières.


C’est un enfant qui grandit sans père, à moitié élevé par ses grands-parents, et au caractère bien trempé qui va poser les bases de la future star. Loin de faire un portrait nombriliste de Clapton, le documentaire va au contraire le raconter par les gens qui l’ont croisé, qui ont marqué sa vie. La famille pour commencer, mais aussi ses mentors, ses amis, et les rencontres du début de sa carrière (Les Beatles !). Sa période chez les Yardbirds et sa reconversion en solo vont constituer le lancement du mythe. Partout où il était passé, Clapton était déjà observé. On lui reconnait du talent, et un caractère de puriste. Baigné par le blues afro-américain, il va puiser dedans pour créer du neuf. Car c’est une vraie ambition musicale, l’idée de créer quelque chose de nouveau, qui motive le jeune Eric.


On comprend alors très vite (notamment à travers le témoignage de Roger Waters) que Clapton va être l’instigateur de la guitare comme un défi technique, comme un sport. Le rock ou le blues anglais vont être bousculés par son brio, et le monde va suivre. Un puriste qui réussit à imposer de nouveaux standards, ce n’est pas anodin.


On découvre avec Life in 12 bars la nature très spontanée de Clapton, suivant ses émotions, toujours pour sa musique. Hendrix, BB King… Tous les maîtres le reconnaissent comme l’un des leurs. Lui qui a été initié par le blues puis influencé par le rock, la country, le jazz… L’histoire d’un artiste clairement pas comme les autres. Clapton devient au fil du documentaire, une sorte de témoin traversant les époques, continuant à produire de la musique. Il croise les plus grands, travaille avec eux et crée sa propre histoire. On comprend le rôle et la dimension sociale du métier d’artiste, lorsque BB King explique comment Eric Clapton a permis de braquer les projecteurs sur le blues. Il aura fallu qu’un blanc joue du blues pour que l’Amérique blanche accepte d’écouter enfin toute la scène afro-américaine (sans qui Clapton n’existerait pas).


Le documentaire ne se prive pas de nombreux passages musicaux, pour laisser le spectateur savourer la musique qui a forgé Clapton et celle que Clapton a forgé. C’est peut-être ce qui créera quelques longueurs pour un documentaire de 2h on le rappelle, bien que sa vie soit dense et riches en histoires et rebondissements.


On apprend aussi les autres visages d’Eric, son rapport aux femmes, à la célébrité, à l’alcool, au monde. La perte de son enfant qui le bouleversera et fera naître Tears in Heaven, probablement l’un de ses plus beaux morceaux. Car Clapton est aussi chanteur, et un excellent parolier, qui sait saisir l’émotion avec justesse et honnêteté.


C’est avec une douce note de mélancolie que Life in 12 bars se referme. Sur BB King, souhaitant la vie éternelle pour lui et son ami, Eric. L’histoire se finit telle qu’elle a commencé, en rendant hommage au maître qui en aura fait naître un autre. Aujourd’hui de nouveaux guitaristes se revendiquent d’une influence Clapton, tel que John Mayer. La preuve, probablement, que son œuvre durera encore longtemps.


Finalement, Eric Clapton : Life in 12 Bars est globalement réussi. Cependant, il est assez clair que le documentaire est plus approprié pour les fans convaincus qui voudraient en apprendre plus sur leur idole, que pour les novices cherchant à découvrir la vie d’un artiste. En effet pour ces derniers le visionnage d’être quelque peu lourd, notamment à cause de la densité du documentaire et des nombreux passages musicaux. A recommander aux fans de Clapton donc, aux guitaristes surement, mais peut-être pas aux autres. Un constat un peu dommage car Life in 12 bars aurait pu être une bonne porte d’entrée dans la vie de Clapton, mais s’adresse beaucoup plus aux « déjà connaisseurs ».

AdrienLassau
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le 30 oct. 2020

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