Note du producteur au Directeur de la photographie

De David O. Selznick à M. Stradling (premier dir photo, qui fut remplacé, après le début du tournage, par Gregg Toland.)
Copie à Monty Westmore (Maquilleur) 9 juin 1939


"... Il n'est rien en ce qui concerne la photographie qui se puisse comparer en importance à la photographie de Mlle Bergman. Contrairement à M. Howard et à la plupart des acteurs importants que je connaisse, suivant qu'on la photographie d'une façon ou d'une autre, elle peut être très belle ou insignifiante. Et si nous ne pouvons réussir la photo de façon à ce qu'elle ait l'air divin, le film se cassera la figure et sera mal reçu par le public.
(...) Dans les rushes, nous en sommes revenus au point où nous en étions lors des premiers essais catastrophiques.
Je ne saurais dire quelle conscience aiguë j'ai de ce problème et comme il me paraît important. C'est LE problème qui fera la différence entre un film à succès et un bide, la différence entre une nouvelle star et une fille qui ne fera pas d'autre film ici. Que Mlle Bergman devienne une star repose sur la photo, surtout dans la mesure où nous sommes sûrs de son talent d'actrice.
Nous devons certainement être capables de saisir le charme étrange - mélange de beauté excitante et de grande pureté - qu'elle avait dans la version suédoise d'Intermezzo. Il serait vraiment choquant qu'un quelconque opérateur d'un petit studio de Stockholm se révèle capable de faire avec elle un travail bien meilleur que le nôtre."


À Gregge Toland (nouveau dir photo) 22 juin 1939


"(...) il ne suffit pas d'éviter son mauvais profil. Il faut lui faire baisser la tête autant que possible, lui trouver la coiffure qui lui convient, lui maquiller convenablement les lèvres, éviter les plans généraux pour qu'elle n'ait pas l'air trop grand et plus encore, mais pour la même raison, éviter les plans en contre-plongée sur elle et avoir soin de surélever les gens qui jouent avec elle, tels que Leslie Howard et Edna Best (et naturellement les enfants à côté de qui elle a l'air gigantesque si le travail de la caméra n'est pas bien étudié), mais, surtout, tamiser la lumière sur son visage et essayer invariablement de faire sur elle des éclairages à effets. Je considère ce point aussi important que le dialogue ou l'interprétation si nous voulons tirer un joyau artistique de cette petite histoire toute simple."


A M. Hebert (resp promotion) 22 juin 1939
"(...) Je pense qu'il y a un aspect d'Ingrid Bergman auquel on pourrait faire une large publicité et qu'on pourrait utiliser pendant des années. Mlle Bergman est l'actrice la plus consciencieuse avec qui j'aie jamais travaillé. Elle ne pense à absolument rien d'autre qu'à son travail avant et pendant le film et ne prend aucun engagement d'aucune sorte. Elle ne quitte pratiquement jamais le studio et a même suggéré qu'on équipe sa loge de façon qu'elle puisse y vivre pendant le film. Pas une fois, elle n'a exprimé le désir de partir à six heures ou quoi que ce soit de ce genre. Elle souhaite même travailler jusqu'à minuit, affirmant que c'est le soir qu'elle travaille le mieux. Elle ne souhaite pas avoir de doublure lumière. Elle est très attentionnée auprès des techniciens.
Tout cela est totalement dénué d'affectation et absolument unique et serait, à mon sens, une bonne façon d'axer la publicité en répandant partout ces histoires(...) si bien que sa douceur naturelle, ses égards, sa droiture, devienne une sorte de légende. On ne pourrait certainement rien trouver de plus populaire, surtout si l'on considère la vague d'extravagances que les stars nous contraignent à accepter et en raison de l'opinion générale du public (qui a en grande partie raison) selon laquelle les vedettes étrangères sont une fichue calamité, avec leurs exigences et leur caractère fantasque."


Extrait de : David O. Selznick - CINEMA - Textes choisis et réunis par Rudy Behlmer
Titre original : MEMO FROM DAVID O. SELZNICK

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le 10 févr. 2022

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