Ce film m'a littéralement scotché.
J'ai rarement été autant retourné par un film à vision réaliste et sociale.
Nous voyons comment une classe, passablement dissipée, est destabilisée par les méthodes "peu conventionnelles" d'un élément perturbateur en la personne de son professeur principal.
Le coup de génie est de nous donner le point de vue de ce fou furieux. On est pris d'empathie, non pas pour les élèves (tous extraordinairement interprétés), mais bien pour lui, alors qu'on voit tout au long du film que les jeunes ne font que réagir aux stimuli complètement chaotiques de la figure d'ordre et d'autorité de la salle de classe. D'ailleurs, c'est bien la salle de classe le lieu du film, et non le collège. "Entre les murs" de cette salle de classe, et non "entre les murs" du collège, comme on pourrait le croire de prime abord.
Mais, vous me demanderez pourquoi je mets 9. Alors que j'ai le même discours sur le propos du film que des centaines de critiques qui ont descendu ce film en flammes, pourquoi 9?
On s'attend à voir un film sur les dérives de l'Education Nationale, sur la délinquance d'origine immigrée, sur la bêtise des jeunes des cites, et on s'attend à voir dans la figure du prof celle du héros social et démago, hussard noir de la République. Mais non, on a un film qui nous questionne sur l'autorité. L'autorité nécessaire, mais aussi sur ses dérives.
Cette ambivalence est très profonde, et on pourrait prendre fait et cause pour le prof, on en a envie, c'est un biais très fort et très puissant, cependant ce biais est cassé par l'auteur lui-même.
Oui! C'est l'auteur qui a glissé le personnage du prof d'histoire-géo, qui nous replace régulièrement sur les rails de la Raison. Malheureusement personne ne l'écoute. Pourtant, il a passé des années en Seine-Saint-Denis, et il dit bien au début du film qu'il est bien content d'avoir obtenu sa mutation dans ce collège parisien. Il est antipathique, il incarne une idée de rigueur scolaire et ses interventions sont toujours désagréables, mais il est toujours juste et mesuré, il représente le cadre bienveillant mais ferme qui seul peut mener les jeunes élèves vers le niveau d'instruction recherché pour des enfants de leur âge. Si le but du film n'était pas de nous interroger sur les méthodes du personnage principal, ce prof d'histoire-géo n'existerait tout simplement pas.
Il n'y a aucune ambiguité: Entre les murs est un huis clos sur l'arbitraire et il interroge magistralement le spectateur sur son rapport au biais de supériorité suprême, qu'est celui d'un professeur jeune et investi. Entre les murs est l'illustration de l'expression selon laquelle l'enfer est pavé de bonnes intentions.
En résumé, la recette d'Entre les murs est simple : vous prenez "Les choristes" et "Le cercle des poetes disparus", vous touillez bien fort, et vous ajoutez de VRAIS élèves. Vous couvrez. Vous laissez mijoter pendant une année scolaire, puis vous contemplez le désastre.