Louise, infirmière surmenée, épouse abandonnée par son mari – tombé amoureux de sa meilleure amie – et par son fils – parti en Australie – essaie de déplacer sa voiture, une vieille Volvo qui appartenait à son père, pour éviter une amende de plus, quand elle se rend compte qu’elle n’a plus la force, plus la capacité d’en sortir pour affronter la réalité. La solution ? Rouler, rouler encore, rouler toujours. Et rencontrer des gens, sur la route, qui vont lui faire vivre des aventures incroyables, effrayantes, drolatiques, émouvantes. Au terme desquelles…


En roue libre est donc, forcément, ce qu’on appelle un road movie. Louise – magnifiquement incarnée par Marina Foïs, qui sait rendre son personnage désagréable, presque antipathique quand il le faut, pour ne jamais tomber dans le sentimentalisme – traversera la France d’est en ouest, de Beaune au Cap Ferret. En roue libre n’échappe pas – mais le devrait-il ? – complètement aux stéréotypes du genre : pas mal de farfelus en tous genres croiseront sa route, entre une autostoppeuse au don d’ubiquité étonnant, des ROMs déterminés à ouvrir son toit vers le ciel, un gastro-entérologue capable de faire une psychanalyse sauvage, et surtout un possible fils de substitution, un jeune homme en perdition armé d’un flingue (on ne dit pas un pistolet !), d’ailleurs formidablement interprété lui aussi par un Benjamin Voisin encore plus convaincant que dans Illusions Perdues.


Heureusement, le scénario bien troussé réserve au spectateur suffisamment de petites surprises pour que le sentiment d’être en terrain connu ne tourne pas à l’ennui. Et, on l’a dit, les deux acteurs restent toujours passionnants, ne trahissant pas la vérité de leurs personnages pour le plaisir d’un bon mot de dialoguiste ou d’une situation haute en couleurs, comme tant de films français en raffolent. Didier Barcelo, dont c’est le premier long-métrage, ne tente pas de nous impressionner avec une quelconque virtuosité, et choisit plutôt de travailler ses ruptures de ton, ce qui est manière intelligente de conjurer la prévisibilité d’une trajectoire, qui aurait sans doute gagné à être dépouillée de certaines évidences « psychologisantes ».


Et puis, et ce n’est pas une mince affaire, c’est notre chouchou, l’ultra-doué Peter Von Poehl, qui est responsable d’une BO toute en finesse, ce qui nous incite à pardonner certains dérapages, comme la référence vraiment trop lourde à l’inévitable Thelma et Louise.


[Critique écrite en 2022]

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EricDebarnot
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le 3 juil. 2022

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