Immersif jusqu'à l'impasse narrative

La force du nouveau film de Stéphane Brizé, qu'on rapproche un peut trop facilement de La loi du marché avec lequel il n'a finalement pas grand-chose à voir, c'est le sentiment d'immersion totale qu'il procure dès les premières secondes, et qui ne faiblit quasiment pas pendant tout le film.


En guerre propose donc une sorte de grand huit syndical, un roller-coaster de sensations physiques, mêlant empoignades, dédains et révoltes, dialogues de sourds, moments de communions, bousculades avec les CRS, discours enflammés. On est bien loin de la pondération et l'équidistance qui constituaient la structure de La loi du marché.


L'impact quasi physique du film sur le spectateur est impressionnant, avant de devenir dans la deuxième partie un peu répétitif. Brizé peine à trouver des ressorts narratifs pour la deuxième partie de son film. L'accumulation de poncifs et le manque de contrechamps nuisent à l'intérêt de l'histoire : le film aurait probablement gagné à montrer les débats des syndicalistes négociateurs, ou ceux de la direction.


La façon dont la figure quasi christique de Laurent Amadéo monopolise, voire cannibalise le film, constitue probablement à la fois son point fort (en terme d'impact car Vincent Lindon habite son personnage) et son point faible (son jeu semble au fil du film de moins moins incarné, de plus en plus programmatique). Ce parti-pris accule littéralement Brizé à proposer une fin too much, en décalage avec le reste du film, à tel point que le réalisateur doit inventer l'astuce de la montrer à travers un smartphone pour lui donner un vernis de réalité.


Du naturalisme extrémiste et sensoriel.

Christoblog
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le 22 mai 2018

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Christoblog

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