La soupe réchauffée de Disney

"Par le réalisateur de..."

Y a-t-il seulement un semblant de style dans ce film ?


C'est l'histoire niaise d'Elvis Presley, qu'on voulait enterrer au plus vite dans un heureux dénouement : qu'ils en aient pour leur argent, moi pour mon temps.


La recette commence avec un premier mouvement de mise en tension, longuet mais acceptable, pas bien divertissant, mais on se plaît alors à voir où cela mène, si tant est que là est un intérêt que l'on a, sinon c'est l'attente.

C'est dommage, mais c'est sans surprise que la tension de la première scène (première rencontre avec un Génie semble-t-il ; bâtie sur un ensemble bien exubérant !) s'étouffe dans un retour abrupt à l'intrigue, sans plus de musique, ni d'action. On se retrouve à patienter un Elvis qui entonnera sa première chanson dans une scène des plus molles qui soit. Filmer la musique ? C'est raté. On n'a que le sentiment étrange que l'image et le son sont discontinus, asynchrones - sans doute le playback.

Donc tout un enchaînement de cuts rapides teasant des scènes sans saveur qui viennent en plus avec un temps de latence... Voilà le premier et seul ingrédient de la construction de l'action du film, itéré à l'infini.

Autrement, c'est quelques effets de style clichés dans le jeu et la direction d'acteur, et dans les dialogues, qui racontent le reste.

Ainsi l'on se ravira de voir une première performance mise en avant d'Elvis... en tant qu'aguicheur lancinant de coeurs puceaux (pucelles) ! Comme il est éblouissant ce pôle magnétique de plis rose bonbon !

Assez de spectacle le récit doit avancer. L'on découvre alors les beaux décors cartonnés des studios hollywoodiens, vivifiés par pléthores acteurs-fonctions plantés là, en pleine simulation.

Jaillissent ainsi les cadres idylliques de la famille et du voisinage, pris dans un élan de ralentis rappelant les chaleureuses pubs coca-cola.

Heureusement quand c'est trop lent, rien de mieux que l'image sacadée digne d'une comédie de Charlot pour balancer l'ennui ! Comme on se marre !

‌Alors vient le moment du divertissement absolu... On ne sait plus où donner de la tête face à cette frénésie visuelle agrémentée - ce n'est que maintenant qu'on la remarque l'inutile, d'une voix-off insistante. Elle nous raconte ainsi le déroulement (d'un épisode des Anges) sur un certain nombre de vitrines clichées d'esthètes (non) qui grimacent en se dandinant grassement.

On commence à avoir du mal à distinguer les scènes d'action des transitions dans ce trop plein de dynamisme... Où tout est mis sur le même plan. (Divertissement quand tu nous tiens !)


Il est alors temps de mettre les bouchées double pour ne pas révéler la supercherie du vide scénaristique. On a le droit à un autre de ces mignons petits montages/mixages, dans le teasing du grand show de nuit au stade (je sais plus lequel mais ce n'est pas important ? Rien ne l'est dans ce film). Et ça marche bien, il faut le dire : les sens sont en éveil prêts à recevoir une claque musicale. Les arts de la scène voudraient que l'on ne s'arrête pas en si bon chemin, le spectacle commence tout juste...! Mais si, c'est ce qui se passe. On le redoutait en laissant naïvement au film le bénéfice du doute, malgré la scène précédente du même genre. Prévisible, cette soupe moisit déjà.

Un deuxième accès de virilisme emporte Elvis sur scène. (Il est caractérisé pourtant par la suite comme un agneau dévoré par les loups du Capital, un sensible et amoureux sans bornes).

D'ailleurs à ce propos je crois qu'en cinéma on voit rarement des romances aussi ridiculement expédiées et secondaires. Pourtant celle entre Elvis et ((?) j'ai déjà oublié son nom) accompagne toute une partie du récit en fond de trame, et on insiste là-dessus. "Quand t'es malheureux va vers ce que tu aimes, tes rêves", ceci itéré cent fois au besoin, toujours le protagoniste féminin dans le coin, comme le veut le précepte initial de la fabrique d'un divertissement fade.


On en finit à dégouliner sur le siège au bout de la 3 ou 4ème occurrence où l'on se rend compte de l'entourloupe du « divertissement » fainéant qui nous prend pour des demeuré.es.

Cela devient l'occasion de réviser son anglais, on joue à capter tous les mots, ou encore on compte les cuts, on suit les mouvements de caméra... Bref tout un programme de cahiers de vacances pour la modique somme de 4 euros ! (en tout cas pour moi fort heureusement)


Ouf, c'est bientôt la fin. J'espère ?

C'est enfin que de bonnes idées en perspective surgissent, au cours du dernier arc du film, de 2h40...

Quelques scènes d'Elvis et sa femme apportent ces sympathiques moments d'émotion, attendrissants même si bien classiques. Ce sont les seuls qui font cette caution, le reste semble tout juste superficiel dans le film. (Que ce soit la relation entre Hanks et Elvis, sa mère, son père, ses amis, ses références, tout est faux).


La scène du show à l'Hotel International est construite en écho à la première scène. Curieusement, cette fois on y croit : le son n'est plus une façade asynchrone d'une image dynamique, on a l'impression que la musique est chantée, ça change entièrement la donne dans l'intensité que manifeste la scène.

Serait-ce un mot d'auteur pour témoigner de la progression de l'artiste ? Ou de la sienne : "s'il vous plaît sélectionnez moi aux oscars !!!"

Bon ça retombe assez vite, c'est court, et toujours mal proportionné par rapport à l'ampleur de l'effort de mise en tension. Et la doublure du danseur contribue grandement il faut le dire, à nous donner ce beau spectacle.


On note une autre touchante scène entre les amoureux, cette fois d'adieu. Toujours courte, on fait dans l'économie de moyens temporels. Plus tard, quelques notes de vrai à nouveau viendront poindre dans une scène de dilemme amoureux.


Ainsi l'indulgence est le maître mot dans ce film où rien ne tourne rond, si ce n'est la cuillère dans la soupe populaire. Les quelques efforts rehaussent le ton, et l'on finir par s'attendrir devant le flot de scènes sentimentales à la fin, révélant un personnage aux contours saillants. Il semble finalement que l'on apprenne quelque chose de ce film : les sordides histoires de stars des 70s. en décrépitude.


Note sur la scène de fin, du dialogue père-fils ("c'est la banqueroute") :

Oui ! La folie meurtrière d'un homme (génie ?) rongé par les parois croulantes du monde. Ce que nous voyons là, nous le désirons. Une frénésie de fracas d'objets, de cris, de sons et de grimaces : cette montée d'adrénaline, nous la partageons les pupilles grandes ouvertes, cette catharsis, nous en voulons encore ! Alors une dernière fois : pas en si bon chemin !

Heureusement l'acalmie vient en douceur, avec la mort au creux des paupières d'Elvis, imprimée sur une image qui prend enfin son temps.

Il aura fallu attendre longtemps pour trouver cette unique scène de tragédie, sensible et esthétique.


Ayssel
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le 9 juil. 2022

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