"Sin, sin, sin! You're all sinners! You're all doomed to perdition!"

Quelle présence, ce Lancaster ! Incroyable comment cet acteur, avec sa gueule, sa carrure, son sourire, ses yeux bleus perçants, peut supporter à lui seul le poids d'un film entier — il est évident que Elmer Gantry sans lui, avec un acteur moins incontournable, n'aurait pas valu autant le détour. Son personnage est le moteur de l'intrigue, le film a pour carburant son cabotinage parfaitement maîtrisé pour transformer un commis-voyageur jouisseur de première en un prédicateur de renom qui se découvre une vocation d'évangéliste patenté. Ses talents d'orateur associés à ce changement de mentalité douteux aident à composer un personnage beaucoup plus nuancé et subtil que ce qu'on pourrait penser de prime abord. Sa motivation principale, les étoiles que Jean Simmons lui met dans les yeux, achève d'en faire une curiosité très intrigante et un film abordant une surprenante variété de thèmes.


On ne sait jamais vraiment où il se positionne. Où commence la cupidité de celui qui flaire la bonne affaire, où se terminent les excès charismatiques de celui qui fait la cour à une prédicatrice, pris dans l'étau de son passé peu avouable qui menace de le rattraper. J'aime toujours autant ces films américains qui s'intéressent à la critique, satirique, de valeurs fondamentalement américaines — en l'occurrence ici cette éternelle quête de pureté, cette hypocrisie religieuse. Le choix du cadre singulier de la prohibition des années 20 et du mouvement revivaliste dans l'entre-deux-guerres aux États-Unis achève d'en faire un film important à mes yeux.


En toile de fond, aussi, on peut relever le discours sur l'hystérie des masses, la pression exercée par la foule, qui fait office de catalyseur au puritanisme teinté de mercantilisme de cette mission itinérante. La religion-spectacle américaine dans toute sa splendeur, captée en quelque sorte par un personnage secondaire, le journaliste sceptique. Burt Lancaster parvient malgré tout à créer un personnage attachant, malgré son cynisme et son arrivisme, empêtré dans un charlatanisme à différents niveaux. Lancaster criant "Sin, sin, sin! You're all sinners! You're all doomed to perdition!", ça fait son petit effet quand même. Le fait qu'on passe l'essentiel du film à se demander quel est son niveau de lucidité dans cette histoire, à quel point il se compromet et à quel point il finit par se persuader lui-même, construit un échafaudage de contradictions particulièrement intéressant.


PS : Saul Bass, ce génie des graphismes de générique, un style reconnaissable dès la première seconde.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Elmer-Gantry-le-charlatan-de-Richard-Brooks-1960

Morrinson
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le 7 juin 2022

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Morrinson

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