Elle s'appelle Sabine par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Toute petite, Sabine laisse entrevoir des signes comportementaux inquiétants qui alertent son entourage et les enseignants. Elle semble en souffrance, mais la jeune fille arrive tout de même à trouver le bonheur au sein de sa famille. Elle voyage, elle s'exprime, elle danse, elle rit et elle manifeste un don certain pour le piano. Le décès de son frère et la déstructuration de son milieu familial va bouleverser sa vie.
Choquée, Sabine devient alors méchante et agressive et s'enferme dans sa bulle, à l'image d'une autiste. Le milieu médical ne va rien arranger en la plaçant durant cinq ans dans un hôpital psychiatrique d'où elle ressortira littéralement détruite et plongée dans un monde obsessionnel et dans un profond mutisme.
Les voyages, la danse, le rire et ce formidable don pour la musique se sont envolés. Victime du manque de structures spécialisées pour les personnes autistes, elle est alors placée, après un an de difficiles recherches, dans un "centre d'accueil" où elle apprend comme elle peut à revivre et à s'exprimer, en compagnie de quelques compagnons d'infortune dans la campagne charentaise.


C'est un long ruban de vingt-cinq ans de la vie de sa petite sœur que Sandrine Bonnaire déroule dans ce documentaire. Enfant, Sabine possède un comportement singulier et perturbé dont son entourage ne parvient pas à évaluer le handicap.
A douze ans, fillette qui, jusqu'alors, fréquentait une école dite "pour enfants anormaux", intègre le collège de son frère et de sa sœur. Mais la fillette se révèle parfois violente et agressive. Elle ira jusqu'à se déshabiller dans la cour, ce qui incite les autres élèves à la délaisser et à la surnommer "Sabine la folle".
Devant cet état de fait, Sabine est déscolarisée et restera chez elle jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Toutefois elle semble être heureuse et se montre inventive et créatrice. En plus de son intérêt pour l'anglais et la géographie, elle tricote, confectionne de ravissantes poupées de chiffon, voyage et prend quelques cours de piano. Là, le résultat est sidérant car très vite elle interprète à merveille des œuvres de Bach et de Schubert. Elle va même jusqu'à composer avant d'être frappée de plein fouet par une tragédie familiale. Dès lors, elle va se renfermer et devenir plus violente, plus grossière et plus agressive.
Le noyau familial étant dans l'impossibilité de gérer son état, elle est internée en hôpital psychiatrique. Sabine est désormais gavée de tranquillisants, prisonnière d'une structure scandaleusement inadaptée à son cas. Après cinq ans d'internement, elle a beaucoup changé, son aspect s'est modifié ainsi que ses expressions et ses dons si précieux se sont volatilisés. L'Etat et la médecine ont accompli une œuvre funeste : la destruction de Sabine.
Elle se retrouve maintenant dans un centre d'accueil, dont il faut louer le travail, la patience et la passion des éducateurs qui travaillent pour la reconstruction d'un être prisonnier du manque de moyens mis au service de la santé publique.


C'est un documentaire plein de tendresse mais aussi teinté de révolte que Sandrine Bonnaire dédie à sa petite sœur. Ces souvenirs ont ainsi été collectés pour interpeller nos consciences au sujet de ces personnes handicapées que notre "généreuse" société laisse sur le bord du chemin faute de moyens et de structures. Bien sûr, en regardant ce film ne vous attendez pas à tout apprendre sur l'autisme. Il met bout à bout des scènes où se mêlent les périodes de doute, les périodes de joies et aussi de désespoir.
C'est un terrible cri d'alarme que nous lance la réalisatrice, motivée jusqu'au fond des tripes par ces personnes qui, encore aujourd'hui, se morfondent à l'écart de la société, ignorées de la plupart de nos politiques, beaux parleurs et trop souvent ravageurs d'espoir. Pensent-ils aux parents contraints de quitter leur emploi afin de veiller jour et nuit sur ces personnes difficiles à comprendre et à gérer ? Que leur proposent-ils, si ce ne sont que des paroles de réconfort qui ne réconfortent personne ? Voici où réside l'efficacité de ce film intimiste, terriblement tendre et émouvant.


Sabine a deux visages, le premier est celui d'une jolie jeune fille différente des autres, mais très entourée par son noyau familial, ce qui lui permet d'exprimer ses joies et ses passions ; le second celui d'une jeune femme détruite par un manque de structures médicales adaptées à son cas. Souhaitons de tout cœur que Sabine se reconstruise grâce au dévouement de ses éducateurs et à l'amour des siens.
Sandrine Bonnaire nous prouve de façon émouvante qu'elle poursuit sa lutte pour une cause qui la touche profondément au travers de l'amour qu'elle porte à sa sœur.


Ce film a obtenu: Prix Fipreschi de la Critique Internationale en 2007


Extrait de ce documentaire :
http://www.youtube.com/watch?v=WDYcf1sQPFM


Ma Note: 8/10

Créée

le 24 août 2014

Modifiée

le 13 avr. 2013

Critique lue 1.5K fois

44 j'aime

25 commentaires

Critique lue 1.5K fois

44
25

D'autres avis sur Elle s'appelle Sabine

Elle s'appelle Sabine
takeshi29
9

Bonnaire, le bruit et la fureur

Le sujet est casse-gueule au possible, la réalisatrice (elle-même protagoniste) probablement la plus mal placée pour faire preuve de la distance nécessaire pour aborder sans un trop plein d'affect la...

le 29 mars 2012

19 j'aime

2

Elle s'appelle Sabine
Foxart
9

Avant/Après... Et pendant.

Elle s'appelle Sabine est un film essentiel, qui devrait être vu par chaque humain sur cette terre. Un film qui expose l'intime pour dévoiler bien plus: la faillite d'un système (le secteur psy en...

le 8 août 2014

7 j'aime

Elle s'appelle Sabine
GuillaumeRoulea
8

Critique de Elle s'appelle Sabine par Guillaume Rouleau

Sandrine Bonnaire livre un des plus beaux documentaires de ces dernières années. Un documentaire faisant œuvre utile puisqu'il traite de l'autisme, dont est atteinte sa sœur Sabine. Elle nous montre...

le 24 oct. 2012

6 j'aime

1

Du même critique

Amadeus
Grard-Rocher
9

Critique de Amadeus par Gérard Rocher La Fête de l'Art

"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...

176 j'aime

68

Mulholland Drive
Grard-Rocher
9

Critique de Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...

166 j'aime

35

Pierrot le Fou
Grard-Rocher
9

Critique de Pierrot le Fou par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...

156 j'aime

47