Le cinéaste et son modèle (ou la Blonde à la Marguerite)

Dans la galerie de portraits de femmes de Jean Renoir, après Nana, la Chienne, Partie de Campagne, Madame Bovary et la Femme sur la Plage voici la séduisante princesse polonaise Elena (Ingrid Bergman) toujours accompagnée de son talisman: une marguerite.


Il ne faut surtout pas croire le metteur en scène quand il prétend que son film est une réflexion sur le théâtre des apparences « Où commence la comédie ? Où finit la vie ? ». Jean Renoir avait un discours bien rodé qui lui permettait de (ne pas) répondre aux questions des journalistes en utilisant les mêmes réponses à chaque nouveau film. Mais il faut le croire sur parole quand il explique que « la seule raison d’être de Elena..., c’est la femme, et c’est la femme représentée par Ingrid Bergman »... tout le reste n'étant qu'un arrière-plan politique brossé en vitesse « pour s'amuser ».
Jean Renoir comme il l'a expliqué, continue par le cinéma les portraits de jeunes femmes de son père Auguste Renoir et Elena, fraîche, enjouée, rayonnante sous la lumière, vêtue d'une longue robe blanche et d'un chapeau à large bord assorti, ressemble aux portraits de blondes pulpeuses comme la Blonde à la Rose dont le modèle deviendra d'ailleurs la première femme de Jean Renoir.


L'hommage à son père se voit donc à chaque apparition d'Ingrid Bergman, à condition de faire abstraction du scénario et des acteurs masculins. Renoir a choisi l'option d'insérer un arrière-plan historique à ne pas prendre au sérieux. Le général Rollan (Jean Marais) est en fait le général Boulanger, oublié de nos jours, dont l'histoire a retenu qu'il était était à portée du pouvoir, soutenu par un vaste mouvement populaire, mais que son destin s'est joué la nuit où il a laissé passer sa chance à cause de ses atermoiements, le lion rugissant devenant un âne en l'espace d'une nuit. Jean Renoir en fait un général d'opérette, plus préoccupé par sa maîtresse et par Elena que par le sort de la France, dans un vaudeville sans surprise avec des portes qui claquent et des chassés-croisés amoureux qui n'ont d'autre but que de faire écouler les 95 minutes du sablier.


Elena...est donc une œuvre cinématographique mixte à mi-chemin entre le portrait impressionniste (le meilleur du film) et le théâtre de boulevard (le moins bon).

Zolo31
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le 18 mai 2020

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Zolo31

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