Bienvenue dans la bande de politicards de Manuel López-Vidal. Blagueurs attablés autour d'un déjeuner (de crustacés svp), hommes d'affaires enchaînant les rendez-vous, vies à 200 à l'heure... et unis comme les 5 doigts de la main. On se croirait dans un repas de famille. On attend le moment où l'un des membres aborde le sujet qui fâche, pour dégénérer en engueulade. Sauf qu'ici, personne ne parle de politique. Bizarre, pour des politiciens... La préoccupation principale, c'est l'argent, le pouvoir, les alliances et... encore l'argent. Mais les soupçons de malversations atteignent l'un d'eux, puis Manuel. La loi du silence finit par se briser, rien ne va plus. L'anti-héros, d'une pugnacité incroyable, résiste, tente, tente encore...
Film de gangsters (pardons, politiciens), me direz-vous. Avec une particularité qui montre toute sa finesse: on est loin des codes habituels de ce type de cinéma. Oui, l'argent amène le pouvoir (ou bien est-ce le contraire?). Mais la réalisation caméra à l'épaule, au plus près des personnages, donne une impression de documentaire d'un réalisme saisissant. Les apparatchiks ont des super baraques, s'offrent des montres de luxe, font la fête sur leur yacht...mais finalement sans bling-bling ou tous ces archétypes de la jet-set qui nous sont si souvent montrés. Exit le Loup de Wall-Street (pourtant inspiré d'une histoire vraie) ou autre production hollywoodienne au style tape-à-l'oeil. Cette "quasi-normalité" renforce encore le sentiment d'authenticité. Le rythme, souffrant parfois de quelques longueurs, s'accélère régulièrement au son d'une musique qui rappelle les battements de cœur d'une personne gagnée par le stress. Comme dans la vraie vie.
L'efficacité du propos prime sur le reste et on ne sait d'ailleurs jamais vraiment de quoi tous ces hommes publics sont accusés exactement. On comprend bien de quoi il retourne en substance, mais sans les détails qui risqueraient de nous perdre dans des méandres techniques qui ne sont finalement pas le sujet.
Rodrigo Sorogoyen dépeint l'escroquerie banale, répétée au sein du clan comme ancrée dans l'éducation des nantis que l'on croise au coin de la rue (ou presque). Et interroge le spectateur sur son sens de la justice mais aussi son impuissance: quelle moralité possible dans un système de corruption par héritage?