Plusieurs fois par siècle, le village où vit la jeune Ana, sa mère et sa grand-mère dans le sud-est de l’Espagne est frappé par des inondations massives lorsque le fleuve Segura entre en crue. Maudites par une légende locale qui voudrait que chaque débordement torrentiel emporte une femme « qui a l’eau en elle », les trois femmes sont condamnées à l’opprobre au sein de leur communauté. Pour tromper l’ennui et la fatalité qui la guette, la jeune femme, dont les amies ne rêvent que de quitter la région, noue alors une relation fusionnelle avec le jeune José, fraîchement revenu d’Angleterre pour récolter les citrons avec son père. Dans ce portrait doux-amer d’une jeunesse espagnole désabusée et le paysage d’une Espagne rurale abandonnée de l’État central jusqu’à la catastrophe climatique, la néophyte Luna Pamies interprète avec gravité cette femme dont le destin ne lui appartient pas. Oscillant astucieusement entre le film fantastique et le drame naturaliste, entrecoupé de séquences documentaires de véritables femmes du village et s’appuyant sur un casting largement amateur, le premier long-métrage d’Elena Lopez Riera est une proposition originale et déstabilisante. Parfois desservie par sa mythologie cryptique et sa rugosité, la tragédie de la réalisatrice alicantine reste néanmoins un geste de pure poésie.