Un film qui restera pour moi comme un long bourdonnement sourd, accompagnant pendant deux heures et quarante six minutes mon atonie ou mon hébétude. Telle une fastidieuse performance d’art contemporain.
J’étais très enthousiaste pour le premier volet, ma première critique sur Sens critique. Je faisais l’éloge de Dune, de l’univers formidable imaginé par Frank Herbert. Je rappelais ce qui faisait à mon sens sa recette : une tension entre le complexe et le simple. D’une part une histoire complexe, avec des enjeux compliqués de pouvoir, une intrication de machinations, de manipulations, un héros qui possède, dans la plus pure tradition orientale, de nombreux noms : Paul, Lisan Al Gaib, Usul, Madhi, Muad Dib etc. D’autre part une grande simplicité : Dune, après tout, est juste un caillou de sable avec des gros vers. Il y a une guerre entre des autochtones et des compagnies qui récoltent la seule chose précieuse à la surface de cette planète oubliée de dieux et des hommes, à savoir l’épice. Les bédouins attendent un élu. Paul est l’élu. Il les conduit à la victoire. Fin de l’histoire.
C’est le problème de ce trop long épisode. Il n’y a pas vraiment de scènes de batailles. Les gentils fremens roulent sur leurs ennemis sans qu’ils rencontrent la moindre résistance, la moindre tension. Le film est parfaitement plat, unilatéral. Les deux héros antagonistes n’ont strictement aucun charisme. Zéro charisme comme le coca zéro, comme la tolérance zéro, comme le zéro absolu. ZERO. Timothée Chalamet zéro charisme. Austin Butler zéro charisme. Ce Feyd-Rautha, tout particulièrement, n’a aucun intérêt, aucune épaisseur. Rendez-nous Sting. Le Dune de Lynch est meilleur. Il le surpasse infiniment en intensité malgré ses côtés un peu maladroits ou goofy. Villeneuve est un bon faiseur (hommage à son Blade Runner, impeccable et élémentaire), Lynch est un artiste. Il faut un artiste pour rendre une œuvre aussi originale que Dune. Un artiste qui a une vista spéciale, un coup d’œil étrange, des intuitions névrotiques qui le font aller plus vite, qui le font produire quelques plans qui propulsent le film dans la sphère qui est la sienne, à savoir celle du MYSTICISME. Dune est un film mystique, c’est pour ça que seul Jodorowsky avait la formule pour concevoir sa plus haute version. On retrouve d’ailleurs l’influence de Moebius ici et là dans ce Dune villeneuvevien. Par exemple dans les costumes noirs à cornes des mystérieux personnages masqués qui sont dans l’arène lors du combat de gladiateur de Feyd-Rautha.
Pour conclure, je dirais que ce film nous laisse sans émotion. C’est dans l’indifférence la plus générale que l’on apprend que le baron Harkonenn est le grand père de Paul. C’est dans l'indifférence la plus totale qu'on voit le jeune homme assassiner son grand-père. C’est avec la plus grande circonspection que l’on voit les Sardaukars, censés être de redoutables guerriers d’élite, se laisser défaire comme du menu fretin et ainsi de suite… En revanche je n’aurais pas été indifférent au fait qu’il n’y ait dans le film aucune évocation de l’Art de la Voix, élément qui me touche le plus, pour des raisons que je ne pourrais pas expliquer clairement, dans l’univers de Dune. Où est passée la plus belle invention d’Herbert ? Nul ne le sait car :
Nul nude sur la dune de la lune sud.