Deux ans après le succès du premier volet, Denis Villeneuve est de retour avec une seconde partie qui met l’accent sur l’action. Si le premier film faisait la part belle aux personnages et aux confrontations dialoguées, ce second opus élargit un plus le cadre pour nous plonger dans une fresque épique, dont les différents protagonistes sont autant de rouages pour faire avancer l’intrigue, et préparer le terrain pour la grande guerre sainte à venir. Une épopée gigantesque, toute en nuances et contrastes, loin du manichéisme des blockbusters habituels.

Le Pitch

Après l’anéantissement de la maison Atréides par les Harkonnen. Paul a trouvé refuge auprès des Fremen. Alors qu’il découvre peu à peu leurs coutumes, il fait la rencontre de Chani, et tombe peu à peu amoureux. Bientôt élevé au rang de Muad’Dib, il tente d’unir le peuple d’Arrakis pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.


Une fresque épique et un rythme soutenu

Après une première partie plus contemplative, et qui avait su présenter l’implication des différentes familles et les enjeux géo-politiques qui constellaient l’univers de Dune, c’est un tableau bien plus vaste et mouvementé que le réalisateur canadien met cette fois en scène. Les bases de l’intrigue sont désormais posées, et la vaste introduction qu’était le premier volet peut désormais laisser place à l’éclatement du conflit galactique, qui mènera à la guerre sainte du troisième opus. Au fur et à mesure que les scènes s’enchaînent, on sent que Villeneuve a gagné en concision dans son montage, et qu’il a désormais l’assise et la confiance nécessaire en son récit pour transformer l’essai. Les trois heures passant, et au fur et à mesure que le fil de l’intrigue poursuit son implacable déroulement, on sent la sagesse et le tact d’un immense cinéaste qui sait plus que jamais conjuguer intuition et savoir faire technique.


Aussi à l’aise pour faire transparaître la dimension mystique de l’œuvre originale que pour mettre en scène le gigantisme des batailles qui confrontent les habitants d’Arrakis à leurs occupants, le film n’oublie jamais son statut de divertissement grand public, sans délaisser pour autant les thématiques engagées qui faisaient la singularité de l’œuvre originale (écologie, transhumanisme ou encore fanatisme religieux). Pour en revenir au montage, le cinéaste poursuit la dynamique entamée avec le premier opus, et il n’est pas rare que l’on passe de visions abstraites (vision intra-utérine de la sœur de Paul, une poudrée d’épice qui virevolte au gré du vent) à une scène de guérilla, orchestrées et chorégraphiées avec un sens de l’esthétisme certains (mais que l’on pourra juger parfois poussif). De l’abstraction à la matière, et du lâcher prise à la confrontation, le cinéaste conçoit ses scènes d’affrontements comme si elles n’étaient que le prolongement d’un mouvement plus discret, comme un coup d’éclat nécessaire dans l’équilibre de cet univers si particulier.


Un savoir faire technique, et une empreinte sonore et visuelle marquante

Fort de l’expérience du premier volet, et désormais consacré comme l’un des réalisateurs marquant de notre époque, Denis Villeneuve s’est à nouveau entouré de son chef opérateur Greig Fraser (Dune : Première Partie, The Batman, The Creator) et de son monteur Joe Walker (Dune : Première Partie, Twelve Years a Slave, Premier Contact). Si l’on retrouve Hans Zimmer à la bande originale, qui profite de l’occasion pour développer les grands leitmotivs musicaux du premier film, c’est notamment le travail du sound-design qui est mis à l’honneur. Comme dans la première partie, dont le mixage sonore avait notamment obtenu un oscar en 2022, l’impression de contact sensoriel avec la planète ensablée et ses habitants passe par une approche très naturaliste du médium sonore. Ainsi, pour les deux premiers films, ce sont pas moins de 3000 effets sonores qui ont été créés à partir de prise de son acoustiques, avant d’être retravaillés en studio. Pour l’ornithoptère par exemple (cet aéronef en forme de libellule), les techniciens ont eu l’idée d’assembler le ronronnement d’un chat à celui du bourdonnement des ailes d’un scarabée, et même d’un bruissement de vent dans une tente, créant ainsi un son reconnaissable. Dans une volonté de confronter le spectateur à des sources sonores familières mais transformées, le département son du film aura rendu l’immersion et la proximité avec l’éco-système de Dune beaucoup plus prégnante, autant qu’il offre à cet univers une empreinte sonore singulière.


Au-delà de sons diégétiques (c’est à dire qui font partie intégrante de l’univers du film, ou qui sont audibles également par les personnages), le choix d’un traitement de sons symbolique s’est également imposé. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre des voix humaines se mêler au souffle du vent des dunes d’Arrakis, créant un effet d’anthropomorphisme, en parfaite corrélation avec la dimension mystique et animiste de l’œuvre de Herbert. Le traitement de l’image, les lumières et la composition des cadres, s’imbrique également dans ce processus, créant un rapport intime entre ce qui se passe à l’écran, et le stimuli auditif qui en découle, et inversement (l’ingénieur du son Mark Mangini explique que certains sons étaient parfois placés en amont des effets spéciaux, influençant les équipes FX dans leur travail). L’influence direct du documentaire, déjà omniprésente dans le premier film, et dans la manière dont Villeneuve et son chef opérateur filmaient les décors naturels, demeure cette fois encore comme l’un des mantra de leur mise en scène.


Un film à voir ?

De l’aveu du réalisateur, filmer un visage est à son sens le même exercice que de filmer un paysage. Une déclaration pleine de sens pour celui qui aura su mêler l’embryonnaire au gigantisme, le sale au sublime, la technologie et le mysticisme, dans un exercice constant de mise en contraste et de nuances, avec toujours comme point d’horizon, le désir de respecter et de faire honneur au matériau d’origine. Et si l’on regrettera quelque peu le manque de présence de certains personnages secondaires, au profit d’une intrigue plus complexe et étendue, on ne peut bouder son plaisir devant ce spectacle total, à même de concilier blockbuster et cinéma d’auteur, comme peu de films ont su le faire ces dernières années.


Critique pour Beware, le 3 mars 2024.

Arthurtonglet
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le 3 mars 2024

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