Denis Villeneuve a réussi avec brio ce que l'on décrète souvent impossible : adapter la subtilité d'une œuvre littéraire de s-f sur grand écran sans en dénaturer le message. Avec Dune, il l'a réalisé !

Si la première partie m'avait ébloui par son aspect initiatique, à l'instar du soleil brûlant d'Arrakis sur les iris bleutés des fremen, cette seconde vague de sable entre dans le vif du sujet.

En effet, l'œuvre de Franck Herbert est profondément intellectuelle, pétrie de concepts ésotériques, mystiques, politiques, écologiques, martiaux.

Paul a effectué sa mue. Il devient un fremen à part entière, chevauche le ver, au point de mériter un nom de fedaykin : Usul Muad'Dib. Pilier de la prophétie tissée depuis des millénaires par les créatures arachnéennes du Bene Gesserit, il est la petite souris du désert qui va conduire les fremen vers l'émancipation de la tyrannie Harkonnen, voire impériale. Mais avec la prise de l'Eau de Vie, mortelle pour tout mâle, vient la vision de ce qui pourrait être : le jihad, avec son cortège de milliards de victimes immolées sur l'autel du fondamentalisme religieux.

Dans cette seconde partie, le merveilleux a laissé place au tragique : les manipulations ourdies par le Bene Gesserit, par l'empereur Shaddam IV, par Dame Jessica elle-même vis-à-vis de son fils. Ce dernier, confronté à des choix cornéliens : conserver sa droiture Atréides et suivre son cœur ou bien s'immerger le courant de l'histoire qui l'entraîne vers une obscurité que ne renieraient par les Harkonnen, maison cousine. D'autant que la voix de sa sœur à venir résonne déjà...

Si l'écologie et les enjeux de pouvoirs demeurent, c'est bien le fondamentalisme religieux qui est particulièrement mis en exergue dans cette page de l'histoire d'Arrakis. On observe ainsi la différence entre les réalistes septentrionaux, plus pragmatiques dans leur combat pour la liberté, et les fondamentalistes méridionaux qui aspirent à embrasser la voix de la prophétie. Toute ressemblance avec notre réalité est certainement purement fortuite...

C'est donc un chapitre sombre, façonné de mort et de violence, tant physique que religieuse, que le spectateur pourra contempler avec l'effroi du jeune Atréide devenu le Madhi, celui qui guide vers le paradis. Cette noirceur s'observera en particulier dans l'humeur huileuse du baron Vladimir Harkonnen, archétypique du Mal, qui organise des jeux du cirque sur son monde natal. Celui-ci, vitrifié par son soleil sombre, ne se voit qu'en noir en blanc, reflet du manichéisme de cette famille ivre de haine et de violence.

Fort heureusement, la mort n'est pas la seule invitée à la table du festin d'épice. S'y ajoutent l'épique, avec ses tempêtes Coriolis, ses vers ancestraux, ses actes de bravoure, ses élans d'amour. Servie par une galerie d'interprètes tous plus inspirés les uns que les autres, tout est rassemblé dans cette fresque futuriste qui vibre tout autant des marteleurs fremen que des accords de Hans Zimmer. Chacun pourra ressentir la puissance des vibrations sonores qui célèbrent l'ascension de Paul Usul Muad'Dib au rang de messie.

Franck Herbert a créé Dune, Denis Villeneuve l'a illustré !

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le 1 mars 2024

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