Bien qu'il ait été tourné pour la télévision, comme tout ce que faisait le très jeune Steven à l'époque, "Duel" doit être considéré comme son premier "vrai" film. D'abord parce qu'il a fini par sortir au cinéma (et par aller rafler le Grand Prix de la première édition du festival du film fantastique d'Avoriaz). Ensuite et surtout pour ses qualités cinématographiques évidentes, bien loin des canons du petit écran, surtout pour l'époque.
Alors âgé d'à peine 25 ans, Spielberg y fait étalage de son sens inné du rythme et de la mise en scène - une démonstration qui ne doit alors rien à l'expérience, encore moins à un coup de hasard, mais bien à un véritable génie de la réalisation.
Sur une ligne scénaristique extrêmement mince (un camion fou poursuit une voiture dans le désert californien), Spielberg accroche le spectateur dès la première rencontre entre les deux protagonistes mécaniques pour ne plus le lâcher jusqu'à la fin. Ménageant quelques moments de pause sur la route, il glisse avec habileté des temps plus faibles (encore que, même pendant ces arrêts, la tension ne faiblit pas) pour mieux nous scotcher avec des temps forts implacables, comme autant de pics d'angoisse qui convoquent notamment un bus scolaire, un train, une cabine téléphonique et quelques autres conducteurs...
La réussite du film doit aussi beaucoup à son interprète principal, Dennis Weaver, premier dans la longue série des "Monsieur-Tout-le-monde" chers à Spielberg. Jamais héroïque, il joue à merveille l'incompréhension, la peur, l'angoisse, la colère, les sentiments contrastés d'un type lambda qui dialogue avec sa radio, se dispute avec sa femme au téléphone, et n'est donc pas du tout préparé à affronter la furie mécanique d'un camion dont le chauffeur restera sans visage (et sans motivation explicite) jusqu'au dénouement.
Gourmandise de mise en scène virtuose et suspense époustouflant, "Duel" est incontestablement un film à voir !