En ce moment je suis en mode bourrin et j’assume. Sur mes dernières critiques y a du pas fin, de la filmo pas très glorieuse, du patronyme honteux, de la pose Gillette, de la pétoire, du titre plein d’augures, bref en ce moment je suis un homme Barbara Goulde. Néanmoins, c’est promis, je vais me ressaisir.

Mais un dernier pour la route ça peut faire de mal à personne, hein.

Dredd c’est tout de même une injustice —un comble ; celle d’un film étant arrivé au mauvais moment, au mauvais endroit. Coiffé au poteau par le buzz The Raid avec qui il partage énormément de points communs, à commencer par un concept similaire et une construction en beat them all/ Third Person Shooter des plus directe et donc efficace, le film se plante aux States et atterri tout droit au rayon DTV chez nous.

Oui c’est un peu tout pareil : de la structure close verticale dans laquelle des flics isolés doivent progresser pour niquer le dernier boss, de la prise d’otage, de l’habitant collabo-victime, de la fusillade par balcons interposés, sans compter un travail d’ambiance qui tend vers le nerveux latent avec photo sombre et musique hypnotique.

Bon voilà c’est fait, on a comparé ; ensuite le débat sur le fait de savoir qui de l’œuf ou la poule et caetera je m’en dépiote les coquilles.

Ce qui est intéressant avec Dredd c’est plutôt de le mettre en balance avec son tristement célèbre prédécesseur. Ce qui était une grosse machine à cachetonneurs versant dans le latex, le carton et le cartoon, s’est muté en démarche franche —non exempt de défauts formels bien de notre époque mais débarrassé de fioritures prétentieuses et de fausses ambitions pour laisser la place à un concept assumé et porté jusqu’au bout avec une constance assez appréciable.

Plus que The Raid, le film m’a aussi évoqué le dernier UniSol, vu récemment, par son approche frontale et son rendu viscéral et lancinant.

Ici, donc, pas de décors en carton et de véhicules volants suspendus à une grue, pas de robots, pas de side kick insupportable (quelqu’un a dû finir par attraper Shneider et le tuer), pas de postiches en latex métallique, pas de méchant pas beau mégalo souffrant de trouble narcissique, pas d’épaulettes en plastique jaune ; toute l’enveloppe comics au sens grand public du terme, avec ses débordements naïfs, disparaît au profit d’un autre genre de film.

Si on échappe pas à la bouillie numérique bien d’actualité, on est assez agréablement surpris de se retrouver dès le début face à de vraies images de vraies rues et de vrais plans d’extérieurs, même si pétries de compositings inhérents à un film au décorum SF, même si très vite le décor se résumera à du studio sans charme.

Je sais pas encore si embaucher Karl Urban était une bonne idée, mais ce qui est sûr c’est que lui visser le casque sur le crâne du début à la fin du film en était une. Son cou de tortue, sa moue de bébé boudeur et sa voix de vieillard enrhumé disparaissant le plus souvent derrière un personnage aussi iconique qu’anonyme, devenant par la même occasion plus un concept incarné qu’un rôle flatteur pour jeune mâle burné ; ce qui est une bonne chose —pertinente j’aillais dire.

Ça fait un peu passer le fait qu’un fois de plus Lena Headey ne sait pas dégager autre chose que de la froideur (quand bien même sa stature de méchant tienne plus la route que celle de Assante), et que 99% du casting inspire la vacuité et l’anecdotique, exception faite de Thirlby qui aurait pu être plus insupportable.

Dredd est un film qui va donc droit au but avec un mélange paradoxal de distance et de personnalité, le tout souligné par une direction artistique un poil dichotomique qui n’hésite pas à opposer obscurité et monochromie avec couleurs criardes et chatoyances (les scènes sous trip). C’est pas toujours très beau mais c’est parfois intéressant, notamment sur certaines fusillades et dans sa conclusion. De la même manière Travis se permet quelques audaces visuelles et quelques fulgurances de mise en scènes pas dégueues pour un sou (l’emploi du ralenti) et je dirai même salvatrices (en faire un instrument de mise en scène et non l’inverse).

Au final, en acceptant de se retrouver devant un objet de genre avec un concept qui annonce la couleur, on sort pas mal convaincu par ce Dredd. Simple ou simpliste c’est selon, direct, soigné sur la forme et moins bavard ou franchouillard, finalement efficace ; à l’instar d’un the Raid ou UniSol 4, on dirait que le renouveau du film d’action passe par la petite porte, celle trop petite pour les grosses têtes d’affiches.
real_folk_blues

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