Fruit du divorce consommé entre King Hu et la Shaw Brothers, c'est l'occasion pour le cinéaste de tourner dans la nature, ce qui offre à Dragon Inn l'une de ses plus grosses qualités. La réalisation est à ce titre très maîtrisée, nourrie de compositions de plan fignolées et dignes de citation (on dirait un western par moments malgré la remarque WTF du préfacier que King Hu cherchait à faire ici un James Bond). Nop, le problème est ailleurs, à commencer par le manque d'implication que j'ai eu avec les chevaliers qui auront à botter le cul de ces méchants eunuques venus attendre sournoisement un groupe de prisonniers dans une auberge. Ils sont pourtant bien charismatiques, iconisés et tout, surtout le premier d'entre d'eux lorsqu'il arrive l'auberge, d'où il ressort une tension palpable. Mais il ne se dégage simplement presque aucune émotion d'eux, ce que ne vient pas aider le motif de leur mission qui consiste platement à préserver une certaine droiture face à l'injustice représentée par ces eunuques, sans oublier les victimes dont on finit par se contreficher tellement ils sont transparents.


Autre soucis, les combats. Contrairement à ceux de Chang Cheh, ils sont plutôt bien découpés, mais alors en général les coups viennent à deux à l'heure, les échanges à l'épée sont bien trop courts, et l'action est souvent stoppée en plein élan (ça fonctionne mieux étrangement pour les prises plus fantastiques). C'était déjà présent ce genre de défaut dans Hirondelle d'or, mais là c'est d'autant plus voyant et dommage que la forme, ici, est encore plus travaillée. Au moins, il y a une certaine volonté de réalisme derrière avec aucun câble utilisé, du moins jusqu'au duel final (d'ailleurs assez bizarre ce cinq contre un qui prend une tournure quasi psychédélique avec le badguy qui a des hallucinations, mais au moins, comparé aux autres, il est assez long), mais le tout manque cruellement de naturel. Bref, la mise en scène manque clairement de patate de ce côté là, ce qui, en outre, vient alourdir le rythme de la seconde partie, la course-poursuite à la montagne (déjà pas fameuse à la base, ils se contentent de marcher et de se battre avec ceux qui se trouvent sur leur chemin, et ce, jusqu'au boss du fin), ce qui est vraiment dommage vu la beauté du cadre par moments superbement mis en valeur.


Dragon gate inn est donc quand même une belle déception au vu de ses intentions formelles, mais King Hu n'a pas su allier selon moi d'une part le réalisme dans le découpage de l'action (ce qui est, certes, une bonne idée en soi) au mouvement lui-même, et de l'autre une intrigue suffisamment accrocheuse (et pourtant, encore une fois, toute la séquence autour du vin à l'auberge était bien trouvée et amenée) à la forme, qui constitue l'intérêt premier de ce WXP (qui a été remaké je ne sais combien de fois par la nouvelle vague du genre), en avance sur ses contemporains concernant ce point précis, sachant qu'à ma connaissance les tournages en extérieurs étaient rares, voire inexistants. Reste à espérer que Touch of Zen, plus réputé encore que ce film (qui semble être plus une oeuvre de transition qu'autre chose), constituera une expérience plus concluante.

Arnaud_Mercadie
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le 19 avr. 2017

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Dun

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