En octobre 2001, Richard Kelly signait un premier long métrage qui passait relativement inaperçu : Donnie Darko, l’histoire d’un lycéen en contact avec un lapin monstrueux d’un mètre quatre-vingts. Casting parfait, scénario mindfuck et bande-originale aux petits oignons, le film a compté au fil des années de plus en plus d’ inconditionnels. Superbement restauré en ultra HD (4k) par Carlotta films, avec deux versions dont la director’s cut inédite en France, ce film culte ressort en salle le 24 juillet. A ne pas manquer.
Fin du monde et paradoxe temporel
Donald Darko, lycéen mal dans sa peau, est sujet à des crises de somnambulisme. C’est à l’occasion d’une de ces crises qu’il échappe à une mort spectaculaire, un réacteur d’avion atterrissant dans sa chambre. Donnie est alors contacté par un lapin squelettique, prénommé Frank, qu’il est le seul à voir et qui lui révèle l’imminence de la fin du monde (elle doit survenir, précise-t-il, dans un délai de 28 jours, 6 heures, 42 minutes et 12 secondes exactement). La suite du récit raconte comment le jeune homme va composer avec son mystérieux ange-gardien et son inquiétante prédiction.
Scénario déstructuré
De fait, le spectateur se retrouve vite perdu dans un scénario labyrinthique qui se situe à la marge des deux genres voisins que sont le fantastique et la S.F. Ainsi, on ne sait jamais vraiment si les événements dont nous sommes témoins sont à prendre au pied de la lettre – postulat d’un univers parallèle, de trous de ver et autres failles temporelles, autant d’items caractéristiques du film de science-fiction – ou s’il s’agit d’une représentation de la réalité transfigurée par l’imagination délirante de Donnie. Auquel cas nous sommes davantage dans un portrait psychiatrique à la manière de Mulholland Drive (sorti la même année), Shutter Island ou Fight Club pour ne citer que ces trois-là. Dans cette optique, Donnie Darko pourrait ainsi être compris comme une réinterprétation de son quotidien par l’esprit névrosé du personnage principal.
Lapin géant et lapins de garenne
La figure du lapin, qui revient en boucle dans le film, est à ce titre très intéressante. L’animal apparaît notamment dans le cours de la professeure d’anglais au travers du conte Watership down de Richard Adams. Cette fable cruelle, plusieurs fois adaptée au cinéma, raconte comment un jeune lapin doué de prescience va tenter d’avertir les membres de sa communauté que leur garenne est menacée de destruction. Ainsi, le destin de Donnie ressemble à celui de ce lapin lanceur d’alerte, comme s’il s’était attribué une mission comparable : empêcher la fin du monde. De même, le lapin géant qu’il est le seul à voir, tient son nom, son costume et son masque d’un personnage réel a priori anecdotique : Frank, le copain de sa sœur, qui n’apparaît que tardivement dans l’histoire mais provoque la mort de Gretchen, la petite amie de Donnie. La fin du monde évoquée dans le scénario ne serait ainsi pas à prendre au sens littéral mais au sens métaphorique. A vouloir éviter que ne se produise la prédiction du lapin, Donnie n’évite ni la mort de Gretchen…ni celle de Frank. Qui revient le hanter mentalement en lapin. Une boucle infernale en quelque sorte.
Une mise en scène particulièrement maîtrisée
Si le film brille par l’écriture de son scénario, la réalisation n’est pas en reste. Outre la direction d’acteurs qui vit la révélation de Jake et Maggie Gyllenhall, dans leurs tous premiers rôles, le découpage des scènes, le travail de cadrage et le montage antéchronologique de l’histoire confèrent au film une dimension hypnotique. On appréciera à ce titre la version Director’s cut que Carlotta films nous permet de redécouvrir. Mais c’est surtout par sa bande-originale que le film séduit le plus. De somptueux morceaux comme The Killing moon d’Echo and the Bunnymen (encore des hommes-lapins) ou la superbe reprise de Mad world par Michael Andrews et Gary Jules, accompagnent avec émotion les passages les plus marquants de ce film fantastique dans tous les sens du terme.
Personnages/interprétation : 8/10
Scénario/histoire : 8/10
Réalisation/musique/photo : 9/10
8.5/10 ++
Critique originale publiée sur Le Mag du Ciné