Don’t look Up : Une parabole co(s)mique qui en dit long


Annoncé en décembre 2019, alors que le Covid 19 fait son entrée dans l’actualité mondiale, « Don’t Look Up » d’Adam McKay est finalement sorti en décembre dernier sur la plateforme Netflix. Si le tournage a été retardé par la pandémie, ce sont aussi les évènements de ces derniers années qui ont motivé le réalisateur à peaufiner et retravailler son long-métrage. Autant d’évènements que cette parabole sur la crise climatique et sanitaire décrit avec justesse et humour.




Le Pitch




Lorsque le docteur Randall Mindy et sa doctorante Kate Dibiasky (interprétés par Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence) découvrent qu’une comète géante se dirige vers la terre, ils se lancent dans une tournée médiatique pour prévenir l’humanité de cette catastrophe imminente qui pourrait bien anéantir le genre humain. Dans leur parcours de lanceur d’alerte, ils se heurteront à la désinformation, aux dénis médiatique ainsi qu’à la cupidité de la présidente américaine (interprétée par Meryl Streep), soutenue par une grande multinationale du nom de Bash Cellular (dont le leader est campé par Mark Rylance).




Une société du divertissement qui se déréalise


Après « The Big Short » où Adam McKay portait à l’écran la crise des subprimes de 2008 et les rouages opaques du monde de la finance, le réalisateur s’intéresse de nouveau à la conjonction mondiale en dépeignant un monde connecté, loin de toutes réalités essentielles. Le parcours de Kate et Randall pour informer le monde de sa fin prochaine est à l’image des lanceurs d’alerte de son précédent film, et surtout, il s’apparente fortement aux mises en garde des scientifiques concernant l’effondrement de la biodiversité. Au fil de leur parcours, les deux astronomes n’auront de cesse de répéter leur discours alarmant, sans trouver d’oreilles réceptives avant un bon bout de temps. Pire que cela, les élans de colère et d’indignation de Kate seront portés en dérision par les internautes sous forme de mèmes, tandis que le charme du docteur Randall sera lui, mis en avant dans des spots publicitaires faussement subversifs. A travers des situations d’une absurdité alarmante, on retrouve la folie d’un système qui plutôt de se réinventer face à son essoufflement , assimile ou détourne par le divertissement ses plus fervents détracteurs. Pire, lorsque les personnages parviennent finalement à convaincre la présidente américaine, c’est l’interêt politique qui est d’abord évoqué pour dévier la comète, avant d’être supplanté par la toute puissance de la multinationale Bash, qui spécule déjà sur les ressources minières de l’énorme caillou. Dans un monde où l’enrichissement des classes dominantes ne cessent d’augmenter, les interêts des grandes puissances, influencées insidieusement par les GAFAM, se tournent encore et toujours vers le profit, sous couvert de « créer des emplois » et de mettre fin à la famine et à la précarité. Tout est à faire de communication, et c’est justement là que se situe la faiblesse principale des héros du film, et c’est en vain qu’ils chercheront à puiser en eux le charisme et la crédibilité dont il ont besoin pour convaincre l’humanité du sérieux de la situation.





Une comédie acerbe d’une pertinence rare




Comme une mise en abîme de cette société du divertissement qu’il dénonce, le récit est conté sous la forme d’une comédie dont l’absurdité des situations est à la fois drôle et terrifiante. Les ressorts comiques mettent en exergue les paradoxes et le caractère irrationnel de décisions face à des évènements extraordinaires, qui loin de souder la communauté internationale, divisent les populations et les États, au même titre que la situation sanitaire et écologique actuelle. A ce titre, le film ne nous épargne en rien, en présentant une galerie de personnages tous plus ubuesques les uns que les autres. Du PDG d’entreprise mégalomane, qui prétend oeuvrer pour le futur du genre humain (on pense notamment à Elon Musk), à une présidente américaine sujette au scandale et qui ne pense qu’à son électorat, en passant par la starlette naïve et superficielle (campée par Ariana Grande) en quête de followers, le film ne cesse de souligner une société de consommation à la dérive, provoquant le rire et en arrière-goût, une certaine amertume. Quel est le pouvoir d’action d’un simple individu, si compétent et passionné soit-il, face à un cataclysme de cet envergure ?




Un film qui touche au but ?




À travers le filtre de l’humour, le film agit comme une parabole à l’intelligence redoutable, qui par l’image et la métaphore, dresse le constat de l’inaction face à l’urgence climatique. Très loin de l’aspect didactique et du gigantisme des films catastrophes classiques, le film tend à convaincre tant sur la forme que sur le fond, en se désintéressant notamment du spectaculaire, pour se concentrer sur l’aspect humain. Une étude du genre humain, d’une véracité et d’une authenticité troublante, qui se voit limitée par son caractère de simple produit filmique. Il restera au spectateur le choix de se résoudre ou d’agir à son échelle, en espérant que les pouvoirs en place décident d’agir plus sérieusement pour la sauvegarde de la biodiversité et de l’équilibre climatique.


Critique pour Beware, le 4 janvier 2022

Arthurtonglet
7
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le 3 mars 2022

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Arthur Tonglet

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