Il y a quand même quelque-chose de paradoxal dans ce film je trouve.
D'un côté on sent que la satire est assez libérée en termes d'état d'esprit. Ça tape à tout va, du trumpisme aux médias en passant par les réseaux sociaux. Ça dresse un portrait au vitriol de cette société de l'immediateté, de la « revanche des médiocres » et de la distraction artificielle. Ça se veut acerbe à souhait et à certains moments ça sait produire des figures et des situations qui m'ont plu (comme par exemple ce Steve Jobs à dents brillantes et au verbe feutré qu'incarne brillamment Mark Rylance.)
Donc oui, pour tous ces aspects-là Don't Look Up pourrait presque donner l'image d'un film affranchi de toute pudeur de gazelle et prêt à tout pour offrir une comédie grinçante et rafraîchissante.
Seulement voilà, malgré tout ça, j'avoue que pour ma part le soufflé a quand même eu du mal à monter.
C'est que pour un spectacle qui a l'air d'être prêt à tout dans le fond, il se révèle au final bien prudent voire même assez contradictoire dans la forme.
Pour chaque moment de satire il faut qu'en permanence le film fasse intervenir un personnage pour bien souligner l'absurdité de la chose. Et au cas où on n'aurait pas compris, on relance une deuxième fois et on insiste bien derrière au risque de perdre en subtilité et surtout en rythme.
Ainsi l'intrigue se révèle très vite lourdasse, s'étalant inutilement dans le temps.
D'ailleurs, à bien tout prendre, il n'y a vraiment que sur la derniere demi-heure – au moment où le titre du film prend littéralement tout son sens – que ce Don't Look Up trouve enfin son rythme de croisière et son efficacité...
...Un peu tard quand même quand on sait que le film dure 2h20.
Et puis que dire de ce parti-pris esthétique ?
N'y a-t-il pas quelque-chose de contractoire à fustiger la culture du moment et en parallèle en adopter tous les codes ?
Pourquoi cette photo ultra-putassière ? PourquoI ces jacasseries non-stop histoire d'éviter tout moment de silence ? Pourquoi ces surlignages outranciers pour chacune des intentions mobilisées ?
J'ai beau prendre le problème dans tous les sens, j'ai quand même bien l'impression qu'au bout du compte l'auteur Adam McKay a opéré tous ces choix juste parce qu'il nous prenait un peu pour des cons.
Autant je comprends l'idée qu'il faille expliquer et surligner un brin quand il s'agit de moquer un monde de la finance dont les rouages sont des plus obscurs (comme ce fut le cas dans The Big Short), autant je trouve ça totalement superflu quand il s'agit de s'en prendre à une bêtise qu'on a tous les jours sous le nez.
Quant à cette photo hideuse et cette surcharge de péripéties et de sous-intrigues un brin balourdes qui concernent nos deux héros, de mon point de vue rien ne saurait les justifier.
C'est juste que, sur ce coup-là, Adam McKay nous a pris pour des bouffeurs de pop-corn un peu teubés et je trouve ça quand même bien triste.
C'est triste parce que – comme j'ai pu le dire plus haut – Don't Look Up parvient à s'émanciper de la plupart de ses tares sur sa dernière ligne droite et démontre quel spectacle jouissif il aurait pu être s'il avait su se faire plus léger, subtil et direct.
(C'est quand même triste de se dire que la meilleure scène du film soit la scène post-générique de fin. Moi je dis ça, je ne dis rien.)
Bon alors après c'est sûr, bon-an-mal-an, il y a toujours moyen de faire le tri et d'aller à la pêche aux quelques bonnes idées et s'en satisfaire.
D'ailleurs, pour peu qu'on soit conciliant avec les standards formels du moment je suis même persuadé qu'on puisse passer un très bon moment.
Seulement voilà, si malheureusement vous êtes un peu comme moi – à vous désoler que même un auteur ayant fait ses preuves comme Adam McKay ne sache même plus mobiliser certains standards autrefois jugés comme qualitatifs – alors vous risquez d'avoir du mal à regarder ce Don't Look Up droit dans les yeux...