The Shining's reborn : le retour du Doc Torrance

Plusieurs années après les événements de "The Shining" relatés dans un premier temps par le génie de la Littérature fantastique, Stephen King, en 1977 puis en 1980 par le génie du Cinéma, Stanley Kubrick, on retrouve le personnage de Danny Torrance, fils du terrible Jack Torrance (immortalisé à l'écran par Jack Nicholson), comme personnage principal. Ce dernier est toujours hanté par son passé traumatisant et cherche à dissiper ses pouvoirs psychiques. Il est désormais le « Doctor Sleep », un aide soignant s’occupant des patients en fin de vie. Le fait d’avoir choisi Ewan Mc Gregor pour incarner ce rôle, est vraiment plaisant. Ce dernier livre une prestation très convaincante.


Ce film était à la fois très attendu par les fans de King mais aussi par ceux de Kubrick, et redouté car se présentant comme une "double suite" tant du roman originel que de son adaptation cinématographique. Mike Flanagan, cinéaste habitué du genre Fantastique, a donc eu la lourde tache de s'atteler à cette adaptation, en apportant d'une part son style et d'autre part en restant fidèle à l'esprit de King et à la vision de Kubrick. Ce dernier ayant en effet transposé le roman de King de manière assez personnelle, en se réappropriant l'histoire sur certains détails, allant jusqu'à réinventer totalement la fin. Cela suscita des controverses mais également une certaine admiration quant au résultat final, érigeant son film en chef d'œuvre, encore aujourd'hui admiré et reconnu dans le monde du Cinéma et de la Pop culture (Heeere's Johnny !). Alors oui, faire une suite à un Kubrick paraît au premier abord impensable et très risqué. Mais Flanagan est pourtant le réalisateur le plus à même de retranscrire cette suite de « Shining » sur grand écran. Sa série « The Haunting of Hill House » (remake de « The Haunting – La maison du diable », 1963), ayant beaucoup plu à King, et au public fan de Fantastique, Flanagan avait déjà l’approbation de l’écrivain et l’engouement d’une partie des cinéphiles.


N'ayant pas encore lu le roman "Doctor Sleep", je vais donc faire une analyse du film en comparaison avec les deux versions de « Shining ».


Pour commencer, le générique de début du film fait directement référence à la musique principale du film de Kubrick, marquant d'entrée de jeu le lien avec "Shining". Il s'agit là d'un hommage évident à son illustre modèle. S'en suit des scènes dans le passé, reprenant là où se terminait le roman de King avec Danny et sa mère Wendy ainsi que Dick Hallorann, l'ami protecteur de Danny, communiquant toujours avec lui grâce au Don (ce dernier permet en effet de rester en contact avec les morts). Ces scènes se rapprochent en fait de l’épilogue du livre « Shining », permettant de faire la transition avec l’histoire de « Doctor Sleep ». Les nouveaux acteurs sont d’ailleurs assez proches physiquement de ceux du casting d’origine (mêmes styles vestimentaires, mêmes mimiques), pour ne pas perturber la logique de suite avec « Shining ». Ces éléments font vraiment plaisir et on sent que Flanagan s'est appliqué dans la réalisation.


Pour ce qui est de l'ambiance du film, elle diffère de celle instaurée par Kubrick mais se rapproche plus de l'univers fantastique de King. Ce qui est une bonne chose au final car le juste équilibre a été trouvé. La dépendance de Danny avec l'alcool est bien mise en évidence (il s'agit d'un thème assez présent dans l'ouvrage "Shining", mais peu développé dans le film de Kubrick) et rapproche la psychologie du personnage de celle de son père. Le Don (Shining), est aussi plus développé dans "Doctor Sleep" : la secte du « Nœud Vrai », où ses membres sont tous connectés au Don, est particulièrement dérangeante (le Shining est représenté comme une vapeur se dégageant du corps en action, rendant son hôte comme une sorte de "super héros" malgré lui).


La relation de Danny avec Abra est assez touchante et redonne une part d'humanité à cet univers très sombre dépeint par King puis Kubrick. "Doctor Sleep" garde en effet un coté sombre et glauque pouvant aller jusqu'à surprendre et choquer


(je pense notamment à la scène de torture du jeune joueur de Base-ball par la secte, particulièrement violente et gore et à la scène de la traque des fidèles de la secte par Danny et son ami Billy, tous tués sauvagement à coup de fusil de chasse et dont la décomposition des corps est visuellement bien accentuée).


De plus, la scène épilogue où Danny reprend le rôle de Dick en veillant sur Abra, apporte une part de sagesse à l'histoire, et permet en quelque sorte à Danny de retrouver une famille. Cette "happy end" qui paraît un peu simpliste et décevante, n'est pas pour autant ratée au vu du scénario rendant hommage au maître King.


La structure familiale est un élément très important dans le roman "Shining" mais peu exploité, dans le film éponyme de Kubrick, ce dernier ayant préféré se concentrer sur l'aspect malveillant de l'Overlook sur Jack.


L'un des points positifs du film s'illustre par l'antagoniste principal, la gourou de la "secte des immortels", Rose O'Hara, incarnée par Rebecca Ferguson. Cette dernière dépasse les clichés entourant souvent les antagonistes de films du genre et rend sa présence marquante quant à sa motivation, à savoir traquer les enfants dotés du Don pour renforcer ses pouvoirs et obtenir la vie éternelle.


La scène du combat final dans l'Hôtel Overlook est pour moi la meilleure du film ou du moins la plus jouissive. La dimension fantastique de l'Hôtel, présenté comme le "cœur du Shining", un lieu doté d'un esprit démoniaque, est fidèlement représentée. L'Hôtel étant hanté par une force maléfique possédant ses occupants les plus vulnérables par l'intermédiaire de "masques" transformant les esprits et les corps. Le lien est directement établi avec le film de Kubrick à travers de multiples clins d'œil constituant un fan service agréable quoique qu'un peu mal dosé. En effet, Flanagan a réinséré certaines scènes issues du film "Shining" avec les nouveaux acteurs, pour un résultat plutôt convaincant.


On se replonge dans les lieux iconiques de l'Hôtel, avec notamment le grand hall d'entrée où se trouve la machine à écrire de Jack Torrance, le fameux couloir dans lequel apparaissent les fantômes des jumelles (assassinées par leur père, l'ancien gardien), la chambre 237 et son occupante cadavérique, la vague de sang issue de l'ascenseur et la chambre avec la porte de la salle de bain, en partie détruite par les coups de hache. On retrouve également la "Golden room", où Danny est confronté au fantôme de son père, réincarné en Lloyd, le barman. La scène fait automatiquement référence à celle du livre et du film « Shining » où Jack Torrance, manipulé par l’Hôtel, succombe à la tentation de l’alcool pour noyer sa solitude. Ici pas d'effets spéciaux pour revoir Jack Nicholson (et ce n'est pas plus mal), mais c’est un nouvel acteur qui lui prête ses traits, de manière pas si troublante que ça. Le labyrinthe enneigé est quant à lui toujours présent, et cette fois-ci, c’est Rose qui poursuit Abra. Cette scène est d'ailleurs plutôt bien réalisée avec la présence des "boites à cauchemars" de Danny contenant son Shining.


Dès son entrée dans l'Overlook, Danny se précipite dans la chaufferie afin, dans un premier temps, de réveiller l’Hôtel endormi en relançant l’électricité, puis d’allumer la chaudière dans le but de faire exploser l'Hôtel. Cette scène correspond en fait à la dernière partie du livre "Shining", non reprise dans le film de Kubrick.
Enfin, quand Danny reprend la fameuse hache, et qu'il se retrouve lui aussi possédé (devenant « le monstre » décrit dans le roman « Shining »), on ne peut s'empêcher de penser à son père et au sort qui lui est réservé. En effet, pour vaincre l’Hôtel, Danny se laisse disparaître dans les flammes de l’explosion, et sauve alors Abra du Mal. Par cet élément scénaristique, Flanagant clos ainsi la boucle entre le roman et le film de Kubrick pour tenter de réconcilier les fans frustrés de King.


En conclusion, « Doctor Sleep », si il n’est évidement pas un chef d’œuvre comme l’est devenu « Shining », reste une très bonne surprise et mérite d’être salué pour sa prise de risques.

P-Alex
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le 12 avr. 2020

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