Il en a rêvait, voilà qui est fait. Trois ans après Inglourious Basterds, Quentin Tarantino revient et signe avec Django Unchained son premier western, genre qu'il avait déjà effleuré dans son Kill Bill : Volume 2. L'occasion ici pour le réalisateur cinéphile de rendre hommage aux maîtres italiens du western-spaghetti, tel que Sergio Leone ou encore Sergio Corbucci, réalisateur de Django (1966) dont Tarantino reprend le nom du personnage. Son Django à lui, est un esclave noir déterminé à libérer sa femme du joug de l'exploiteur-blanc, épaulé dans sa quête par Schultz, un chasseur de prime allemand qui l'a affranchi. Une histoire de vengeance, comme on en trouve aussi couramment dans les films du genre que dans la filmographie de Tarantino. Mais là où l'enfant terrible d'Hollywood surprend, c'est dans la contextualisation de son western-spaghetti, projeté ici dans le Sud esclavagiste des Etats-Unis au XIX siècle, deux ans avant la guerre de Sécession. Il dresse ainsi un tableau violent et sans concession de l'esclavage afro-américain, aujourd'hui encore grand tabou de l'histoire américaine, et peu représenté au cinéma. Un propos profondément politique, chose assez inédite chez le cinéaste, dont l'écriture a nettement gagné en complexité et en maturité. Il laisse derrière lui les narrations non linéaires, les entremêlements d'histoires, pour se concentrer ici uniquement sur l'odyssée de Django, son parcours initiatique et l'épopée vengeresse qu'il va mener. D'abord esclave effacé et éprouvé, le respect et l'aide de son émancipateur allemand, amèneront Django à devenir un homme nouveau, libre et fort. Véritable Siegried des temps modernes, il n'hésite pas à se salir les mains afin de sauver sa Broomhilda (parfaite Kerry Washington), tout en punissant ses oppresseurs, appliquant ainsi la vengeance des noirs sur les blancs.
Avec son charisme solide, Jamie Foxx remplit son cahier des charges haut les mains, accompagné de la révélation d'Inglourious Basterds, Christoph Waltz, formidable dans ce rôle taillé sur mesure, insufflant sa classe et son sarcasme savoureux au Dr King Schultz. Le chasseur de prime se verra néanmoins quelque peu éclipsé dés la première apparition de Calvin Candie, le sadique et ultra-violent propriétaire de la plantation Candyland, interprété avec une intensité effrayante par Leonardo DiCaprio. Néanmoins, la palme de l'abjection revient à Stephen, l'esclave de maison traître et haineux, incarné par un méconnaissable Samuel L. Jackson.
Tarantino sait soigner ses personnages, et pousse le spectateur à se sentir impliqué dans cette aventure humaine et émouvante, à travers la complicité qui va se tisser entre le tueur à gage et l'ancien esclave, le mentor et le héros. Pour la première fois dans sa filmographie, le cinéaste nous parle d'amitié, et il le fait diablement bien. Mais malgré la maturité de son récit, la gravité du contexte et un montage plus sage qu'à l'ordinaire, Quentin Tarantino n'en oublie en rien de marquer son western de son style fun et violent. Au rendez-vous: geysers d'hémoglobine, séquences d'anthologies, zooms rapides, ralentis, caméos, dialogues incisifs, clins d'oeil, et un humour décalé juteux, qui atteint son paroxysme lorsqu'il tourne en dérision des membres du Ku Klux Klan. Tarantino semble s'être fait plaisir, et c'est communicatif. Sa maîtrise folle de la mise en scène réjouit, tient en haleine, choque et divertit tour à tour le spectateur qui ne voit pas le temps filer. Le réalisateur a, qui plus est, su concocté une bande originale aux petits oignons, comme à son habitude, de l'incontournable Ennio Morriconne, en passant par Johnny Cash, jusqu'à 2Pac et James Brown, pour un résultat détonnant.
Tarantino continue ainsi avec brio et panache sa trilogie sur l'oppression dans l'histoire, débutée avec Inglourious Basterds. Aussi jubilatoire qu'engagé, Django Unchained marque un tournant dans la filmographie du cinéaste qui élève son cinéma encore un cran au dessus. Il y signe l'un de ses meilleurs films, si ce n'est son meilleur.
JulieTournier
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le 9 avr. 2013

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Julie Splack

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