Y’a des mots comme ça qui font ringard quand on les dit ou quand on les écrit : respect, tolérance, unité… Des mots qui ne veulent plus dire grand-chose aujourd’hui, perdus dans la masse de l’indifférence, de l’individualisme et de la bêtise. Parfois il y a quelques sursauts, on en vient à les pratiquer, ces mots, à les redécouvrir, on sourit à quelqu’un, on descend dans la rue, on donne, on parle. Le plus souvent on s’en fout, le plus souvent on pense qu’à ça gueule. On fait la gueule et on le fait très bien, pour ça on est fortiche. Discount a quelque chose d’un sursaut. Pas vraiment réussi, pas vraiment emballant, mais un sursaut quand même, un minuscule, un infinitésimal dans les joyeuses tribulations d’employés d’un hard discount décidés à jouer les Robins des bois.

Et puis les grands sursauts, c’est quand ça chauffe vraiment, c’est pour des causes nationales comme on dit, ou pour cette saloperie de foot à la télé. Ça dure un temps, tout le monde est amour et harmonie, tout le monde se paluche, après on en revient aux affaires, aux vraies : petitesses, insultes, rejets, égotisme, suffisance… Un sursaut pour une caissière qui se fait virer parce qu’elle a récupéré un coupon de réduction abandonné par un client (Anne-Marie Costa, que Louis-Julien Petit a rencontré), c’est pas funky, pas de quoi lever son cul ni son poing. Petit, lui, brandit sa caméra pour évoquer les précarités galopantes, le gaspillage alimentaire et la solidarité simplement.

Son sujet est fort évidemment, très actuel, quasi inattaquable. Le film déborde de bonnes intentions traitées avec la maladresse et l’ambition d’un téléfilm pour après-midi du troisième âge, discréditant sa farouche dénonciation du monde des super et hypermarchés où l’humain, quand il n’est pas remplacé par des caisses automatiques, est réduit à un esclavage moderne qui ne dit pas son nom (chronométrage des cadences, rendement à tout prix, corvéabilité abusive…). Les acteurs n’ont pas l’air très inspirés non plus (sauf peut-être Corinne Masiero, égale à elle-même dans cet énième rôle à portée sociale qu’on ne cesse de lui proposer, la pauvre, depuis Louise Wimmer), en roue libre dans ce produit sans éclats qui a la prétention du meilleur d’un Ken Loach, l’évidence du meilleur d’un Ken Loach, mais qui est tout sauf le meilleur (d’un Ken Loach).
mymp
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le 21 janv. 2015

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