Reconnais le, ami non footant, l'argent du ballon rond éveille en toi bien du mépris. Quand il paraît normal qu'un notable bien né couve tranquillement ses actifs sur son parachute doré quelles que soient ses compétences et souvent au détriment de la société qui l'a construit, l'enrichissement fulgurant de ces jeunes gens paraît indécent. Pourtant le footballeur ne doit vraiment son succès qu'à lui-même, son travail, son talent et surtout son mental. Et si la débauche de pognon des sports juteux est lamentable, elle est à l'image d'un système bien plus corrosif.


Reconnais le, ami non footant, le culte du ballon rond et ses explosions collectives festives ou violentes éveillent en toi bien du mépris. Quand il paraît triste et fatal que deux églises d'exégèses différentes s’entre-tuent des siècles durant, des types qui se mettent sur la gueule en sortie de match paraît complètement con. Pourtant ces types portent des couleurs et des symboles, et même si l'on exècre toute idée de drapeau ou d'église, il n'est pas difficile de constater que l'hystérie monte plus vite et plus fort dans des bastions aussi malmenées que fières, ceci provoquant cela. Et si les violences sportives qui vont jusqu'aux meurtres sont lamentables, elles sont à l'image d'un monde bien plus violent encore.


Ce documentaire raconte l'histoire d'un homme qui du fait d'un incroyable et médiatisé destin devient un dieu, et un démon (ceci provoquant cela).
Diego, un jeune Argentin, s'extirpe des bidonvilles par la seule force de son talent et de sa volonté pour insuffler son énergie à toute une équipe, une ville, voire un peuple. Mais l'église napolitaine, un édifice humain qui par un naturel besoin de transcendance fait valoir des intérêts obscurs, s'empare de lui et en font Maradona, un dieu du foot fantasque, rancunier, boursouflé et perdu.


Franchement, ami non-footant, si les séquences virtuoses de dribbles et de buts te gonfleront peut-être, le reste ne te laissera pas indifférent. C'est cette dichotomie, Diego l'homme / Maradona le personnage public, qui est éclairée par deux heures d'images d'archives contextualisées, parfaitement montées et portées par une excellente bande-son, de la musique à l'ambiance sonore au ras de la pelouse, dans les vestiaires et dans les stades.
Oh il y a bien un peu de pathos sur la fin, après avoir balancé son craquage total en direct de la TV argentine, séquence émouvante mais pas gratuite, Asif Kapadia aurait pu se dispenser de montrer le vieux Diego se traînant en jogging dans un Five.
Puis avec un peu de chance, ta séance ne sera pas dérangée par les bavardages des jeunes fanzouzes, éblouis par un style de jeu plus rare désormais, où dominait l'homme providentiel qui remontait la moitié du terrain la balle au pied pour l'explosion finale.

claucloc
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le 9 août 2019

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