Ce que j'avais pu être déçu lors de la remise de la palme d'or en mai dernier.
Audiard, le réalisateur le plus acclamé et récompensé de France, mais aussi celui que, avec Haneke, je déteste le plus.
Moi qui avait eut un temps l'idée de boycotter, par pure bêtise, les films du français ait vite ravalé ma fierté, dominée par mon appétit cinématographique.
Jamais je n'aurai boudé une palme d'or.
Devoir de cinéphile.


Moi qui déteste les films dits "sociaux" n'allait donc pas très emballé à acheter mon ticket pour ce Dheepan qui promettait de confronter immigration (et donc intégration) et problème des banlieues.


Mais Audiard, à l'image dorénavant redorée dans mon estime, ne traite jamais ces sujets avec simplicité, et leur insuffle avec une grande maestria et une grande singularité une dimension cinématographique permanente.
Loin de soulever le débat, de rendre mal à l'aise le spectateur et loin d'un désir de réalisme que l'on connait au genre social, Audiard propose ici un film de cinéma.
De cinéma pur.
Et dur.
Car en effet la vie de ce Dheepan n'est pas toute rose.
Projeté d'une guerre où il commet des actes immondes à une banlieue dangereuse dont il doit tout apprendre ; la langue, les codes, le silence, l'inaction.
La présence gentiment naïve de cet ours tamoul, au visage fermé et à la virilité puissante mais à la voix fragile et aux regard d'une douceur trop marquée pour être vraie, c'est celle du merveilleux Antonythasan Jesuthasan qui est pourtant loin de porter à lui seul le film.
Car ceux qui ont accusé le film d'être machiste et viril n'ont semblerait-il pas vu le film.
Car si Dheepan est le héros éponyme, son épouse par procuration, incarnée par Kalieaswari Srinivasan, semble porter la culotte.
Troublante du début à la fin, toujours sur la mince frontière entre douceur et méchanceté, elle est l'héroïne du film, la mère par procuration, l'essence féminine, le parfait contrepoids à la violence masculine des banlieues.
On parle bien ici de héros et d'héroïne.
Car Dheepan est une histoire, une fiction. Dheepan est ce héros qui se détâche du quotidien pour le changer, pour rétablir l'équilibre et une certaine forme de justice.
Dheepan c'est l'essence même du héros, qui réagit au lieu de subir.
Et Dheepan (le film) c'est du cinéma.
Pur.
Et Dur.
Audiard mélange habilement les genres pour y trouver le sien.
Entre transitions surpuissantes, titre original, balance permanente entre comique, émotion, drame, violence.


On a dit Dheepan adaptation (partielle) des Lettres Persanes de Montesquieu.
On y verra pourtant, loin d'être une critique de la France portée par un regard étranger, le combat magistral et poignant d'un homme qui tente de vivre dans les meilleures conditions.


On ne sait si on aime Dheepan (le personnage), ses valeurs, sa violence...
Mais ce qui est sûr c'est qu'on aime Dheepan (le film).

Créée

le 8 sept. 2015

Critique lue 362 fois

Charles Dubois

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