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Déjà, un film qui s’ouvre sur un accompagnement musical des Pixies, en l’occurrence « Here Come Your Man », ne peux pas être mauvais !

« Deux en un » s’appuie sur un pitch assez étrange, qui apparait à première vue à double tranchant : le destin de deux frères siamois (eux préfèrent le terme jumeaux conjoints, car ils « ne sont pas siamois, ils sont américains ! »)), qui malgré leur différence vis à vis des autres, mais également l'un par rapport à l'autre, s’attellent à vivre leur vie du mieux possible, et même à accomplir leurs rêves.

Pitch original car, en tout cas dans le spectre des films grand public, le thème des siamois est très rarement exploité, encore plus pour une comédie. A double tranchant car cadenassé par le politiquement correct psesant de tout son poids sur de tels sujets sensibles : « Vous savez ces pauv’ gens… ils souffrent assez comme cela pour que deux frères réalisateurs viennent se moquer d’eux durant deux heures de comédie grasse, bête et méchante ». Entre retenue excessive et faute de gout trash/glauque, la fenêtre de tir s’avérait étroite avec un tel pitch.

Finalement, les frères Farrelly ont su se retrousser les manches afin de mettre en avant ce thème pas facile mais porté par un véritable potentiel pour faire une comédie qui sort de l’ordinaire.

Bob (Matt Damon) et Walt (Greg Kinnear) sont donc les fameux frères, vivant depuis leur naissance dans une petite bourgade spécialisée dans la pêche au homard. Reliés sur 22cm et se partageant le même foi depuis plus de 30 ans, ils se savent chirurgicalement inséparable mais ont appris à vivre ensemble, et même à tirer parti à leur avantage de leur différence.

« Deux en un » rend ces héros forts et attachants, les plaçant en quelque sorte sur un pied d’estal, pour ensuite pouvoir se moquer d’eux gentiment et la conscience tranquille. Les deux frères sont les stars de la ville, non parce qu’ils inspirent la pitié, mais parce qu’ils excellent en tout, constat déployé sous une série de gags idiots ou de scènes euphorisantes. Débordant d’énergie, les frères multiplient les activités sportives s’imposent… en trichant éhontément et de manière irréaliste mais drôle : double gardien de but de hockey qui ne laissent rien passer dans leur cages, double lanceur de baseball tirant deux balles à la fois au désespoir du batteur, double boxeur à quatre bras pilonnant le ventre et la tête de leur adversaire avec la complicité de l’arbitre… dans chaque discipline leur siamoisité devient leur atout majeur.

Mais également au quotidien, patrons d’un resto’burger donnant sur le port, les deux frères assurent derrière les fourneaux, démontrant leur complémentarité et savoir-faire dans une scène particulièrement fun de préparation à la chaine de hamburgers.

Ainsi,en mettant autant en avant ses héros si extraordinaires, « Deux en un » s'avère un film léger et drôle, respectueux et innocent, mais surtout extrêmement positif et optimiste, de ceux qu’il est bon de revoir de temps en temps en cas de journée pas facile. Pourtant il ne s’agit pas d’un film simple ou bête, au contraire, le suivi quotidien de ces deux frères soulève de véritables questions « existentielles » sur la notion de fratrie, ici poussée à son maximum car le frère est omniprésent et représente un véritable prolongement de soi, sur la notion de duo, d’équipe, car ces deux-là se connaissent par cœur, et par-delà de leurs différence de caractère, ont signé un pacte de confiance et d’entraide, constituent une véritable équipe, mieux, une association symbiotique, à deux ils arrivent à faire des choses impossibles à un homme normal et seul. Sur la solitude bien sûr, parfois si importante pour se retrouver soit même et vivre sa vie, indispensable au mental d’une personne et pourtant impossible à ces deux-là, ou encore une autre conception de l’intimité… comment penser le rapport aux filles, comment se rendre aux toilettes, comment dormir sur le flanc la nuit…

Les Frères Farelly ne répondent pas directement, pas sérieusement à ces questions, qui sont surtout prétextes à gags, qu’ils soient visuels ou à base de réparties décalées, et se sont contentés de réaliser une comédie pure, ou le rire est l’objectif prioritaire et constant. Pourtant au fil des gags, les spectateurs se posent des questions, pas forcément sur le mode de vie réel des siamois, qui doit surement s’avérer moins rose, mais sur des questionnements un poil philosophiques et constructif.

Après une petite demi-heure de présentation des personnages au cœur de leur bourgade, traitée dans le mode de la petite communauté campagnarde se serrant les coudes, cette amérique qui n’est pas à la mode mais si tranquille et coupée du monde, les deux frères décident de partir à Hollywood, car l’un des deux (l’ainé, si je puis dire) rêve de faire une carrière d’acteur. Alors qu’il se traine un jumeau conjoint, qui plus est fortement sujet au trac, on verse dans le surréalisme. «Deux en un » est constamment un film doux dingue, fou, qui s’amuse de son pitch et de son idée de départ pour en tirer des idées incroyables.

Voilà que, par un concours de circonstance, les frères tapent dans l’œil de la chanteuse/actrice Cher, qui joue son propre rôle en appuyant avec malice sur le côté connasse, décidée à se servir d’eux pour plomber un projet de série dans lequel elle s’est contractuellement empêtrée. Sauf que malheureusement pour elle… les frères font un tabac auprès du public ! Là encore on verse dans l’excès, l’incroyable, mais qu’est-ce que c’est drôle de voir Walt tourner et assurer devant la caméra, avec des bouts de Bob qui dépassent et apparaissent à l’écran de cette série de troisième zone, qui devient un phénomène de mode !

Quel délire de voir les deux frères se porter à la rencontre de Meryl Strip en train de déjeuner dans un restaurant pour lui demander si cette dernière se souvient d’eux sous prétexte qu’elle a tourné pendant 3 semaines un film dans leur région… et de constater à l'issue d'une conversation d'une banalité affligeante qu’elle se souvient de leurs exploits de footballeur américains « Walt, quelle sacrée passe tu avais fait à Bob ! », une corde de plus ajoutée à leur arc !

Et la scène de la bagarre en boite de nuit à Hollywood, ou les deux frères offrent un festival de leur association en en mettant plein la tête aux quatre ou cinq cons qui étaient venu se moquer d’eux ! Là encore les frères Farrelly présentent leurs personnages comme des sur-homme, presque des super héros de comédie, dont la kryptonite serait le regard des autres et la mise en avant de leur anormalité. Problème, tandis que Walt l’acteur est un charmeur né est multiplie les conquêtes, Bob le cuisinier est timide est ne connait qu’une fille… sur Internet, à qui il a caché l’existence de son frère… Tout le monde à hollywood connait les deux frères siamois, sauf cette chinoise timide et sujette aux crises de paniques. Les frères vont multiplier les astuces pour masquer leur lien inséparables, via une soirée de virée automobile ponctuée d’une réservation au drive d’un fast food, et d’une séance de ciné en plein air, et autres artifices avant d’être démasqués et de mener à la dernière ligne droite du film.

Le soucis des comédies US, même les plus corrosives et modernes, et de toujours sombrer à un moment, vers la fin en général, dans la leçon de moral et le passage sentimentalo-larmoyant. « Deux en un » n’y échappe pas, quand les deux frères, malgré leur entente, leur complémentarité et leur succès à Hollywood, repensent malgré tout à l’idée de se faire séparer, au risque d'y passer, afin de mener chacun leur vie, comme tout le monde, notamment pour que Bob retrouve sa seule amie, un peu perturbée par sa récente découverte. Heureusement, même ce « passage obligé » est intelligemment traité et bien placé dans le récit, offrant un rebond et de nouvelles perspectives de développement. Les deux frères qui ne faisaient qu’un depuis le générique d’introduction en viennent à se tirer dans les pattes, l’un bois tandis que l’autre digère la cuite à cause de son foi, le premier abuse toute la nuit et le second fini au commissariat pour conduite en état d’ivresse, découlant d’une nouvelle scène désopilante ou Bob l’innocent, positif à l’alcotest, passe sa nuit derrière les barreaux, tandis que Walt le fêtard, négatif malgré tous ses shots de whisky, est théoriquement libre… et passe sa nuit de l’autre côté des barreaux, sous les railleries des flics et des taulards ! Puis les deux frères en viennent à se bagarrer dans un autre combat si original, se répondant châtaigne par châtaigne en étant toujours attachés par le ventre, leur affrontement ressemblant plus à une autodestruction ou à une mutilation qu’à un duel.

L’opération de séparation se fait, et permet aux frères Farrelly de rejouer leur partition sur une tonalité différente. Enfin devenus normaux, Bob et Walt perdent leurs superpouvoirs et sombrent dans l’ordinaire. Chacun pris isolément ne tiens pas debout tout seul, débouchant sur une série de gags de gamelles bien régressives, Walt vois sa carrière d’acteur s’écraser avec la fin de l’effet de mode des siamois acteurs, et Bob ne parvient plus à honorer ses commandes de burgers en se contentant de ses deux seules mains, ou ne défend que la moitié de sa cage de hockey et se transforme en passoire.

Matt Damon et Greg Kennear livrent tous les deux une grosse performance, s’entendent à merveille au point d’éclipser tout le reste du casting. Les seconds rôles, s’ils ont parfois un peu de caractère, comme le producteurs véreux semblant avoir inspiré le chara-desing du petit vieux de « Là Haut », ou bien entendu Cher, sont pour les autres engloutis par l’onde de choc des deux acteurs principaux. La chinoise n’a pas de présence, le gardien de résidence insomniaque ne dispose pas d’assez de minutes de présence à l’écran, Eva Mendes… fait ce qu’on lui demande, ou bien "est" ce qu’on lui demande, difficile de trancher sur la place que joue la composition et le naturel au sein de son jeu d’actrice. Saluons les guest, « Malcom » en tant que petit ami caché de Cher, et Meryl Strip, qui refait une apparition sur la fin du film. On peut également s’interroger sur un doublage inégal, certaines voix de personnages secondaires sonnant trop connues et usées jusqu’à la corde.

Le film évolue vite et se boucle un peu à l’arrache sur ses 20 dernières minutes, alternant très, trop rapidement du constat d’échec des deux frères enfin séparés et normaux, pour sauter toute une année et atterrir droit dans un épilogue final et riquiqui sauvant la morale de l’histoire. Malgré la précipitation, ce final demeure réussit, réunissant tous les personnages rencontrés dans le Massachusset et en Californie durant près de deux heures, et prenant la forme d’une comédie musicale classique et fignolée, parodique et très emballante axée sur le thème de Bonnie & Clyde.

Reste une vraie bonne comédie, originale, riche, dense, légère, très bon esprit, sensiblement sous-estimée par la moyenne des notes qu’elle a récolté sur ce site et sous-exposée/mal connue, alors qu’elle dispose d’une personnalité forte, d’une finition irréprochable, qu’elle est réellement drôle et bien au dessus de la moyenne du flot de comédies calibrées pondue chaque semaines par le cinéma américain (et je ne parle même pas des comédies pas drôles du cinéma français, qui ne jouent pas dans la même catégorie…).

Les plus :
Un vrais pitch fort
Des gags, des gags des gags
Film très bon esprit
L’association Damon/Kennar est inspirée.
Une vraie originalité
La musique des Pixies !
L’incontournable passage larmoyant d’une comédie US s’insère bien dans le récit
Jamais vulgaire ni glauque alors que c’était loin d’être gagné.
Eva Mendes… elle joue bien la cruche ?...

Les moins :
… Ou s’en est vraiment une ???
Pas vraiment réaliste ^^
Les deux frères éclipsent pas mal le reste du casting
Pas glauque… mais un peu étrange quand même
Y a pas non plus un scénario à en tomber sur le cul
Un peu plus d’efforts dans le choix des voix française n’aurait pas été de refus.
Dauntless
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le 18 nov. 2012

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Dauntless

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