(Critique à lire tout en écoutant ce son magistral du Roi Heenok).


Aux premières aubes de l'an de grâce 1963, la célèbre boîte de production Nikkatsu est dans le caca jusqu'au cou, plus personne ne prend la peine de déplacer son petit popotin pour aller voir leurs films.
En conséquence de quoi ils décident d'injecter du sang neuf afin de renouveler des productions que le public de l'époque commençait à trouver aussi barbantes que répétitives, en engageant le turbulent et iconoclaste Seijun Suzuki, qui avait pas mal fait parler de lui avec le Vagabond de Kanto (qui ne sortira d'ailleurs qu'après Detective Bureau 2-3) sur un projet d'adaptation d'un bouquin de Haruhiko Oyabu.


Les producteurs très conservateurs de la Nikkatsu s'imaginaient qu'en lui confiant une histoire classique de détective privé, ils le forceraient à rester sage.
Ils se sont impérialement gourrés.


Puisque ce sale gosse de Suzuki prend ce film à l'intrigue vue et revue dans 735792 autres films, où un privé (talentueusement interprété par Jô Shishido) se trouve mêlé à des luttes intestines entre yakuzas à la dégaine aussi impeccable que leur gâchette est facile, et le secoue dans tous les sens pour en tirer un bon p'tit truc à l'humour irrévérencieux, où le sexe est abordé d'une manière aussi frontale que la mandale d'un gardien de boîte de nuit gavé de stéroïdes matin, midi et soir, où une petite crotte de nez est balancée au nez des médias de masse, trop voyeuristes pour être déontologiques, où le détective privé, habituellement un bonhomme désabusé passant ses journées à se remplir la panse de whisky tout en tirant une tronche de chien battu, se mue en un gaillard pétillant à l'humour sarcastique (un petit peu beauf sur les bords, quand même, je trouve), grand amateur de swing, qui embrasse les femmes et trompe tout le monde, au rythme du jazz, afin de s'infiltrer chez les yakuzas pour élucider le fond de l'affaire du pourquoi du comment de qui donc a fusilladé les membres de deux gangs, et a chourré leur came ?


La réponse sur l'emplacement d'ornicar ne sera trouvée qu'après moult courses poursuites endiablées, fusillades énergiques où les cadavres de voyous se mêleront aux bagnoles en flammes, et où notre ami détective devra se montrer ingénieux pour ne pas être démasqué comme un débutant.


De plus, Suzuki enrobe son bonbon cinématographique d'une esthétique irréprochable grâce à un travail de polisseur de diamant sur les lumières, les couleurs et les cadrages, transformant ainsi un couloir de commissariat, un appartement, un sous-sol, en une toile baroque grisâtre très bien éclairée, où les couleurs vives apparaissent parfois, et se mêlent pour poser une atmosphère sensuelle (comme ici, par exemple), même si ce n'est pas aussi poussé que dans le Vagabond de Tokyo.


Une sympathique pépite provocatrice assez méconnue (même si la révélation sur, d'ailleurs disponible avec des sous-titres anglais sur Youtube, qui m'a donné la fantasque envie de m'en aller explorer le reste de la filmographie du bonhomme.

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le 9 févr. 2020

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