Alors, que dire de "Depués de Lucia" ?
Beaucoup de choses.
Je vais essayer d'en dire l'essentiel, pour contrebalancer les mots négligents (parfois risibles) que j'ai pu lire sur ce site et ailleurs à propos de ce long métrage.


Pour commencer, "Despuès de Lucia" est un Grand film et brille par ces différents niveaux de lectures.
En effet, après sont terrifiant premier film "Daniel y Ana", Michel Franco met en image cette passionnante réflexion pour capter l’état du monde à travers sa jeunesse.
C'est un film générationnel, constatant de notre hyper-connectivité et de l'humiliation des êtres qui en découle.


Le thème du film est si difficile, si puissant, qu'il est impossible d'éviter le malaise et le désagréable.
Sa mise en scène permet de transcender son propre sujet puisqu'elle nous repousse dès le début du film, de manière très incontrôlable et viscérale.
Michel Franco n'en est qu'à son deuxième film et l'on sent déjà chez lui une maitrise inouïe du langage cinématographique.
En effet ce film est une succession de plan fixes d'un richesse inconcevable. On est jamais loin de la mise en scène aride d'Haneke. Et le plus fou dans tout cela, c'est que cette comparaison est totalement de fait.
Le film brille donc par ces plan très riches, donc par ce qu'il montre, mais brille aussi par ce qu'il ne montre pas.
Il est clair que le hors champs à autant, voir plus, de puissance que ce que l'on peut voir dans le cadre (La comparaison avec Haneke atteint ici son sommet).
Je pense au plan séquence durant la soirée, dans la chambre de l'hôtel durant le voyage scolaire : d’innombrables détails fourmillent à l'écran, et pourtant, on n'imagine seulement la scène qui pourrait se passer derrière la porte. Cette porte, au milieu du plan. On ne voit qu'elle.
Et oui, tout ce qui nous répugne le plus n'est finalement pas montré.
Le réalisateur joue autant avec nous (avec cette distance "intimiste") qu'avec son héroïne, qu'il violente autant mentalement que physiquement. Et bon sang qu'il va loin.


Cette Jeune fille, Alejandra (Ale), paye le prix d'un moment d'abandon.
L'abandon, qui est finalement l'un des thèmes les plus fort de ce film.
Ainsi, partant d'un sujet bien défini, le film s'aventure dans des discours bien plus vastes (les valeurs morales chez la jeunesse, rejet de l'autre, la place des individus dans un groupe, les limites de l’oppression).


Vous l'avez compris, Despuès de Lucia est un film de sous entendu, nous parlant de non-dit (à l'image de Ale qui ne parle pas de ses humiliations) et nous montrant ce que l'on cache, ce que l'homme se cache à lui même, ce que notre société nous cache à tous. Même si ici il fait surtout référence à son pays, le Mexique, qui est plus empreint à ce genre de violence.
Ce discours n'en est pas moins universel.


Malgré le ton pessimiste, Franco à le génie d’insuffler l’Espoir à Alejandra, au milieu de ce désarroi. Ainsi, on assiste en un seul plan très cours, à une ultime rédemption.


Et la fin signe l'abandon total. Celui qui flottait au dessus des personnages du film, et ce, dès l'introduction où le père abandonnait sa voiture.
On retrouve, magistralement, cette scène en écho dans la conclusion.
Ce père qui abandonne toute part d'humanité. Ce père qui, malgré le décès de sa femme avait encore les pied sur la terre ferme.
Ce père qui à "perdu" sa fille, et tous ses repères;
Au milieu de l'eau infinie, agitée et tremblante, le regards tourné vers le passé et non vers l'horizon, il ne rejoindra jamais le rivage, il ne retrouvera jamais la paix.


Je vais finir par parler d'un personnage important, mais qu'on ne vera jamais : Lucia, la mère décédée dans un accident de voiture (on ne sait concrètement que cela sur elle).
Oui, elle est tout de même présente dans le titre !
Et, à l'image de ce film qui ne montre finalement que le moins important, elle est présente dans chaque scène : derrière un porte, en hors champs, au dessus des personnage, dans le coin d'un pièce ...
Elle erre tel un fantôme tout le long avec une certaine distance. Une distance comparable à la notre, à celle des spectateurs.
Lucia est alors un personnage important puisqu'elle représente, et ce n'est pas négligeable, la fatalité et l'impuissance.


Évitant la simple provocation, d'une profondeur subtile et délicate, Despues de Lucia est un film exemplaire.

Thomas_Rossi
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Créée

le 19 mai 2013

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Thomas Rossi

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