Désir
7.4
Désir

Film de Frank Borzage (1936)

Ce qu’il y a de bien, lorsqu’on regarde des vieux films, ce sont les perles sur lesquelles l’on tombe régulièrement. Par exemple, en cherchant simplement à voir un petit film sans prétention avec Marlene Dietrich, l’on découvre qu’elle a aussi tourné avec le grand Frank Borzage. Et lorsqu’on lance le film, nouvelle agréable surprise en voyant s’afficher le nom de Gary Cooper à l’écran. Ça commence bien !


À Paris, Tom Bradley, originaire de Detroit, est ingénieur motoriste chez Bronson, une compagnie automobile. Un peu nerveux, le brave jeune homme répète, cherchant à demander des congés payés à son patron. À sa surprise, celui-ci les lui accorde généreusement, et lui prête même une fameuse ‘Bronson 8’ pour son voyage (modulo une discrète publicité gratuite à laquelle consent Bradley de bonne grâce).


Dans la même ville, le bijoutier de luxe Aristide Duvalle est brillamment piégé par une femme, bien trop belle pour être honnête, qui quitte la capitale française avec un collier de perles avoisinant les deux millions de francs en poche. Elle va fortuitement tomber sur Tom Bradley, quelques kilomètres au nord de la frontière espagnole, lorsqu’elle refait à son goût, et gratuitement, la peinture de sa ‘Bronson’.


S’ensuit alors une histoire charmante, bon enfant et bien menée, au ton plein d’humour (de situation et de personnages, surtout, plutôt que de dialogues).


Le film est une comédie gentillette et sans prétention, et c’est franchement réussi. Il y a des scènes particulièrement bien vues, et des idées assez grandioses. Toute la première partie à Paris, notamment, est de haute volée. Il emprunte aussi au genre du road-movie, et ce n’est pas pour me déplaire.


Une telle comédie ne peut fonctionner sans d’excellents interprètes, et, ça tombe bien, nous avons ici affaire à un extraordinaire Gary Cooper, qui, bien loin de son personnage de séducteur sûr de son charme et désabusé de « Morocco », campe ici un ingénieur foncièrement bon et honnête, et du coup assez gentiment naïf et bonne poire. « Désir » me fait un peu penser au « Corniaud », qui lui emprunte quelques éléments, et il y a des similarités entre le personnage de Bourvil et ce brave Tom Bradley.


Bon, évidemment, même si j’étais content de le retrouver, ce n’est pas pour Gary Cooper que j’ai lancé le film… mais bien pour cette chère Marlene Dietrich, qui tourne en 1936 avec Borzage son deuxième film post-Sternberg (avec « I Loved a Soldier » d’Henry Hathaway, inachevé).
Impossible pour moi d’être déçu de retrouver cette superbe créature, qui ici possède quelques scènes, et quelques répliques particulièrement délicieuses – surtout au début du film. Voleuse et manipulatrice hors pairs, sans scrupules, elle se laisse toutefois attendrir par ce grand dadais de Detroit (aussi bien à l’écran qu’en coulisses, paraît-t-il).
Sa prestation est excellente, rendant crédible ce rôle pourtant piégeur d’une femme complexe mise face à un dilemme cornélien.
Et puis, il y a ce générique d’ouverture…


Avec « Désir », Frank Borzage réussit une comédie légère et très drôle. On pourra lui reprocher une fin un peu incongrue, malvenue et qui tranche assez nettement avec l’esprit du film, mais le reste est de très bonne qualité. Ses acteurs sont au top, ses paysages espagnols et ses décors sont charmants, et il nous gratifie d’une petite scène irrévérencieuse, véritable pied de nez à la censure américaine.
Je cherchais à retrouver Marlene, et je tombe avec plaisir sur Cooper et Borzage, pour des vacances espagnoles pleines de charme et de bonne humeur.

Aramis
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le 12 mai 2015

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