Un examen implacable et grisant des coulisses du pouvoir américain

Le film est adapté de la pièce de théâtre d'Aaron Sorkin, qui l'a fait connaître et qu'il a lui-même adapté, faisant ainsi découvrir au grand public son univers bien spécifique, dépeignant comme plus tard avec The West Wing, Studio 60 et The Social Network sa fascination pour les coulisses du pouvoir et les débats passionnés entre personnages brillants et idéalistes.

Comme l'annonce le premier plan sur le drapeau national, le film de Rob Reiner se penche sur l'identité américaine.
Ici, c'est l'éthique du système militaire et du système juridique qui sont en jeu. Pour cela, on examine le développement du procès de deux soldats ayant bizuté un de leur camarade, canard boiteux de leur groupe, et qui a trouvé la mort dans ce jeu macabre.
Les avocats des deux soldats, qui plaident non coupable, vont s'efforcer de convaincre le jury, et donc le public, que les soldats ne sont pas responsable de la tournure sinistre des évènements, ayant obéi aux ordres officieux (le fameux code rouge) de leurs supérieurs hiérarchiques.

Des Hommes D'Honneur est un film de procès particulièrement solide, à la mécanique bien huilé, et qui soulève des questions morales très intéressantes.
Les personnages, profondément américains, sont tous animés par des idéaux inaliénables.
C'est à cause de leur idéaux, croyant fermement qu'ils n'ont pas à être punis pour avoir obéis aux ordres, que les deux soldats refusent de plaider coupable, voyant s'envoler une peine réduite pour avoir une chance de prouver leur bon droit.
C'est également à cause d'un idéal intime, une soif de justice alimenté par l'ombre écrasante de son illustre père, que le Lieutenant Kafee accepte de devenir, et de rester, leur avocat. A lui de maintenant faire ses preuves et de se montrer digne de l'héritage de ses ainés en démontrant à son tour la validité du système juridique américain.
Au final, se détache un débat philosophique mêlant l'enjeu national et l'intime : où se trouve la frontière entre l'obéissance nécessaire au bon fonctionnement du groupe militaire, donc par extension de la nation, et la prise de distance individuelle, faisant la part des choses sur le plan éthique?

Le casting est particulièrement costaud, profitant du scénario en béton armé de Sorkin pour s'échanger des dialogues fluides et percutants, chargés en intensité dramatique.
Tom Cruise, qui porte le film sur ses épaules, est très bon dans son énergique incarnation du personnage Sorkinien par excellence: un personnage à la fois comique (il ne trouve jamais ses stylos, il insiste pour retrouver sa batte de base-ball parce qu'elle à mieux penser quand il l'a dans les mains), faussement nonchalant, mais aussi brillant et dévoué, ayant à cœur de véritablement faire éclater la justice.
Un personnage symbole, incarnant à lui seul l'idéalisme américain, ce qui est d'ailleurs un concept profondément ancré dans la culture populaire de cette nation, comme l'a pu le démontrer avant lui James Stewart dans Mr Smith au sénat.
Si les seconds rôles sont tous solidement campés, on retiendra évidemment le charismatique Jack Nicholson, qui livre une prestation impressionnante et soutenue, sans jamais tomber dans le grand guignol dans lequel il peut parfois se vautrer (Les Infiltrés).
La confrontation finale entre les personnages de Tom Cruise et Jack Nicholson, dont les convictions profondes sont diamétralement opposés, est très forte, et est d'ailleurs devenue célèbre (The truth? You can't handle the truth! »).

On relativisera forcément ce patriotisme premier degré parfois pompier, le côté gros film des années 90 n'aidant pas.
Mais on le connait le Aaron, même quand il monte sur ses grands chevaux, on sent qu'il est véritablement sincère, étant, tout comme ses personnages, un idéaliste forcené croyant fermement malgré les nombreux obstacles à la grandeur de sa nation.

Au final, Des Hommes D'Honneur est bien, avec son scénario en béton armé et ses acteurs en transe, une étude étourdissante et profondément Sorkinienne des coulisses du pouvoir américain.
Dalecooper
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le 24 févr. 2011

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