En 2008, quand j'avais vu les pubs pour la sortie DVD en France de ce film, ça m'avait l'air d'un DTV cheap et dénué d'intérêt, cherchant à se rattacher à des noms légendaires du cinéma d'horreur en les citant dans son slogan.
Quand j'ai appris par la suite quel était le concept du film, j'étais tenté, puis j'avais carrément hâte de le voir. En attendant, je bavais en regardant sur IMDb la liste des films auxquels Behind the mask fait référence.
Quand j'ai enfin pu mettre la main sur le DVD (une bénédiction, d'ailleurs, car c'est pas le type de film qu'on s'imagine sortir chez nous, et je n'aurais pas pu le connaître autrement) et que j'ai vu le film, ça a été un choc.
Behind the mask est un film-hommage qui joue intelligemment avec les règles du slasher movie.
J'ai eu envie de le revoir, histoire de vérifier ce que ça vaut au second visionnage, et maintenant que j'ai un esprit plus critique.

Behind the mask se place dans un univers qui comprend tous les gros slashers, "Jay, Fred et Mike", et traite du sujet comme on le ferait avec des faits divers, évoquant notamment l'impact néfaste des tueurs sur la communauté de Crystal lake, ou sur le moral des habitants d'Elm street. C'est l'aspect sérieux qui, paradoxalement, rend les choses hilarantes.
Les personnages principaux sont des étudiants réalisant un documentaire sur le prochain grand nom de l'horreur, Leslie Vernon.
Du coup, on a une caméra-épaule, une mise au point mal faite, de la surexposition, ... Mais dans Behind the mask, le style "faux reportage" ne consiste pas seulement à monter des vidéos au cadre tremblant. On pense aussi à montrer le résultat d'un moment d'égarement, même bref, du cameraman, qui se met à filmer une toile d'araignée retenant des gouttes de pluie. C'est une attention portée aux détails qui me plaît, mais même en dehors de ça, le réalisateur se débrouille bien avec son procédé de la caméra-épaule, il offre des plans sympas, et son cadre est mieux maîtrisé qu'il n'y paraît : il joue sur le hors-champ, et dans la séquence de la bibliothèque la caméra et les personnages sont disposés de sorte à ce qu'on voie au mieux l'action, et où chacun est situé.
Et en dépit d'une grosse partie du film en found footage, la photographie est appliquée quand on passe en mode cinéma. Il y a certes peu de place pour une mise en scène spécifique lorsqu'on fait un film avec caméra portée, mais on a tout de même ce gros plan frontal sur des boobs qu'on tripote, pour le moins original et marquant.

La façon de traiter le slasher est superbe, et elle aussi loin de céder à la facilité.
Leslie Vernon est un jeune homme, plutôt avenant avec l'équipe du documentaire, il apparaît comme quelqu'un d'ordinaire, si l'on laisse de côté le fait qu'il souhaite tuer des gens. Il se montre même blagueur, il plaisante sur sa propre légende, qui ressemble pas mal à un de ces récits d'horreur absurdes qu'on raconte devant un feu de camp. C'est d'ailleurs assez burlesque, quand Leslie évoque l'histoire selon laquelle on l'a jeté dans une falaise quand il était enfant, évoquant la date de sa mort, etc.
C'est ce traitement du serial killer dont on rappelle la part d'humanité qui me plaît ; on n'assiste pas à une description cliché, on ne représente pas le meurtrier comme une froide incarnation du mal, etc.
Leslie rejette par ailleurs les préconceptions que l'on peut avoir à propos des serial killers en général, notamment l'idée que tout part d'une obsession pour une fille.
Une fois qu'on a accepté de ne pas se préoccuper de l'absence de logique, dans le fait qu'une équipe de tournage suive un tueur en puissance par exemple, c'est bon, on peut prendre plaisir avec ce film.
Il y a des moments totalement énorme, exploitant superbement la mythologie que Behind the mask crée autour du concept du serial killer : on a cette bonne idée du retraité qui parle de ce que c'était en son temps, et qui dispense des conseils à Leslie ; le serial killer qui se réjouit d'avoir un "bienfaiteur", ce représentant du bien qui fera tout pour l'arrêter, ...

Behind the mask s'adapte, dans sa mise en scène ou son esthétique (les filets de lumière de la lune passant à travers le brouillard) au genre horrifique, pour ensuite en montrer les "coulisses".
Le film décortique des ingrédients et éléments récurrents du genre, et les inclut dans la démarche de Leslie Vernon, concernant son choix des victimes, sa préparation des lieux, ... On nous explique aussi comment il fait pour paraître mort, quand il y a besoin.
Par les dialogues, il y a de nombreuses allusions à des clichés idiots de slashers movies, évoqués avec dérision. Des termes de cinéma et de fans d'horreur sont inclus dans le langage du tueur : "supporting cast", "survivor girl" (aussi appelée "final girl"), "CGI", ...
Behind the mask joue sur les références à différents niveaux, de façon toujours assez subtile.
Ce qui est super, c'est qu'en plus de tout ça, le scénariste a trouvé le moyen d'inclure la symbolique que l'on peut retrouver dans plusieurs slasher movies dans ce film-ci, en en faisant partie intégrante des plans de Leslie.
Ce dernier explique en détail les étapes de sa préparation pour un bon massacre, pensant à tout depuis l'instauration de la peur dans la vie de sa cible.
Nous est aussi exposé son plan précis pour le massacre, avec une mise en parallèle de ce que le personnage montre de sa mise en place, et des images représentant le déroulement parfait des choses.
La première fois que j'ai vu le film, étant donné que toute la suite des évènements semblait nous être dévoilée, j'avais encore plus envie de savoir ce qui allait se passer pour que ça dure 30mn de plus.
Behind the mask prend un autre tournant inattendu, on se détache alors complètement de l'aspect documentaire qui primait jusque là, mais pour moi la transition marche bien, j'estime que le film reste tout aussi bon.

Dans le making of, on découvre le réalisateur se réjouir de voir des stars accepter de jouer dans son film.
En dehors de l'amusant cameo de Kane Hodder, il ne s'agit pas juste d'avoir des têtes connues. Zelda Rubinstein (Poltergeist, Angustia) a une voix qui dessert parfaitement la scène dans laquelle elle apparaît.
Quant à Robert Englund, l'idée de le caster dans un rôle à la Dr Loomis est géniale, et l'ex-Freddy, désormais âgé et la barbe grisonnante, est juste parfait pour ce personnage.

Faire un film pareil nécessite une très bonne connaissance de son sujet qui dénote forcément une grande passion, et en même temps assez de recul pour se moquer et pointer du doigt les défauts du slasher movie.
Mon premier visionnage de Behind the mask était meilleur, forcément, il y avait la surprise et l'excitation, mais je me souviens encore maintenant d'un moment parfait, où j'avais l'impression que le réalisateur avait compris mes frustrations par rapport aux slashers, en évitant un défaut courant qui m'énerve à chaque fois, bien qu'il fasse un film qui rend hommage au genre.
[Spoiler]
Je cite les dernières répliques, celles des personnages faisant face à un incendie censé emporter Leslie :
"-Is he... ?
-I don't know... I don't know what he is..."
Là, plan qui s'attarde sur le visage de notre Dr Loomis bis. Je me disais déjà "oh non, il va encore dire un truc genre « Evil never dies » ou quoi".
En fait, Robert Englund répond : "He's just a man... he's just a man".
FUCK YEAH ! Merci.

... dommage que ce soit foutu en l'air par ce qui se passe durant le générique de fin.
C'est pour ça aussi que, bien que j'aie adoré ce film, je ne veux pas qu'il y ait une suite. Je veux que le réalisateur fasse d'autres films, mais pas une suite, car ce serait une erreur de faire la même chose que tant de slasher movies, desquels Behind the mask a jusque là réussi à se détacher, ont déjà fait. Leslie Vernon ne devrait pas être capable de revenir encore et encore.
Je me serais contenté de cette très plaisante référence à Leslie dans Hatchet II. Mais "B4TM" (tel est le titre de la suite) est déjà prévu...

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le 2 juil. 2012

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