Théorème proustien de toute beauté

Elliot (Alex Lawther) est un adolescent fantasque aux allures de dandy. S’identifiant aux romantiques français, il rêve de devenir écrivain. Alors qu’il passe une semaine dans la maison de vacances du Sud de la France que sa mère (Juliet Stevenson) vide avant de la vendre, il consigne ses rêveries dans son carnet. Sa rencontre avec Clément (Phénix Brossard), garçon de son âge féru de mécanique, aussi viril et pragmatique qu’il est efféminé et éthéré, le bouscule dans sa routine et l’amène surtout à modifier le regard qu’il pose sur sa mère.


Sur le plan formel (parce que la composition des images est très travaillée) comme sur le plan narratif, centré sur l’ambivalence des sentiments qu’éprouve un jeune homosexuel pour la mère dont il essaie de se détacher, le premier long métrage d’Andrew Steggall évoque celui par lequel Xavier Dolan se fit connaître à vingt ans, J’ai tué ma mère. Œuvre d’un cinéaste plus mature, ancien metteur en scène d’opéras, Departure est néanmoins plus étoffé. En situant l’action de son film au cœur de la campagne occitane, Andrew Steggall offre à son héros comme à son spectateur la possibilité d’échapper au huis clos familial étouffant pour se ressourcer au contact des éléments naturels. Ceux-ci constituent un matériau de choix pour son directeur de la photographie, Brian Fawcett, qui utilise talentueusement la longue focale pour détacher les silhouettes des protagonistes sur un fond impressionniste. D’autre part, en faisant intervenir un personnage extérieur au couple mère-fils, il introduit une triangulation féconde qui catalyse le remaniement d’une relation bloquée. Tel le visiteur du Théorème de Pasolini, Clément incarne un rapport au monde plus direct qui vient ouvrir les vannes des désirs refoulés d’Elliot et de sa mère, jusque-là corsetés par la maîtrise de soi propre à leur culture bourgeoise.


Bien qu’il soit parfois trop ampoulé dans la contemplation ou trop hystérique dans la confrontation, Departure est dans sa globalité un objet filmique de toute beauté. Andrew Steggall réussit en effet à orchestrer un beau jeu d’écho entre le lyrisme des mots que son jeune poète consigne dans son carnet, que nous retransmet la voix-off, et la picturalité des images de Brian Fawcett. Cette esthétique retranscrit très bien d’un côté le spleen du jeune homme qui pour l’instant ne fait que rêver sa vie, et de l’autre la nostalgie de la femme vieillissante effrayée à l’idée de n’avoir pas vécu ses rêves.

etsecla
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le 5 sept. 2019

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