Park Chan-wook construit au fil des années une œuvre qui se renouvelle sans cesse, surprenante, jamais répétitive et cinématographiquement jouissive.

"Decision to leave" impressionne d'autant plus qu'il décline avec un plaisir inextinguible, une inspiration intarissable et une grande jubilation la stupéfaction que vivent deux êtres qui se rencontrent, l'attraction qui emporte tout sur son passage, le besoin impérieux de l'autre, et cela sans un passage à l'acte charnel. Mais aussi, en filigrane, la perte possible de ce sentiment. Cela en fait un grand film romantique mâtiné d'un thriller sinueux d'une extrême subtilité, où les deux personnages à la psyché détaillée et retorse, auxquels je me suis attaché sans réserve, sont entiers dans leurs sentiments et franchissent les limites de leur passion, avec une détermination qui laisse sans voix. Il faut souligner à ce stade le brillant jeu des deux comédiens principaux, Tang Wei et Park Hae-il.

La richesse des images est sans cesse renouvelée par des plans très structurés et parfaitement enchaînés par un montage caressant, véritable travail d'orfèvre, qui fait se fondre les plans l'un dans l'autre. Les paysages naturels, montagnes, mer, sont à la fois d'une grande beauté visuelle et filmés avec ingéniosité. Les lieux choisis dans les villes, sont également montrés avec précision, que ce soit un sanctuaire bouddhiste, un marché aux poissons, les commissariats successifs, les lieux observés de loin "en planque" ... Le film est le mélange habile de trois genres : le film d'amour, le film policier et le film burlesque. Park Chan-wook intègre également les smartphones et autres montres connectées comme des éléments esthétiques ou de compréhension ; Ils deviennent des vecteurs porteurs d'informations importantes. Le fait que la femme soit d'origine chinoise fait que quand elle veut exprimer quelque chose de complexe, elle s'enregistre en chinois, et une voix du téléphone traduit ses propos pour l'homme. C'est une belle idée, tout comme le fait de filmer les textos qui s'écrivent, avec cette belle graphie du coréen, qui est très séduisante à l'image. Et puis il y a l'accompagnement musical, entre la reprise à plusieurs moments du film d'une chanson populaire, la 5ème symphonie de Mahler et la musique originale du film, présente et discrète à la fois.

abel79
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le 13 juil. 2022

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