Dead Shadows
3.4
Dead Shadows

Film de David Cholewa (2012)

Ce qui m'a intéressé à Dead shadows et m'a fait le mettre dans mon programme des films à voir à L'étrange festival, c'est le fait que le héros ait peur du noir, que ce soit un timide qui doit surmonter sa peur et affronter des créatures aliens dans les ténèbres afin de sauver sa voisine pour qui il a un faible, et le fait que la fin du monde soit représentée à travers des jeunes qui préfèrent s'abandonner à une "apocalypse party".
Enfin, ça c'est plus ou moins ce que j'avais lu dans une critique du site Devildead, où on disait du bien du film. C'est d'ailleurs la positivité de cet avis (le seul trouvable sur le net jusque là) qui m'a convaincu. J'ai pris sur moi et suis allé voir Dead shadows, même s'il y a l'insupportable Rurik Sallé dedans.

A ce que nous a dit l’équipe du film en présentant celui-ci, Dead shadows au départ devait être un court-métrage, un huis-clos sans aliens tentaculaires, mais ça a évolué au fil des financements récoltés.
Rien ne transparaît de la genèse difficile du film dans les premiers plans, des visions de l’espace en CGI tout à fait sublimes durant le générique de début.
Mais une fois que le film démarre vraiment… les problèmes s’accumulent.
Un gros défaut de Dead shadows, c’est que beaucoup de choses font factices, font "mis-en-scène".
Le héros, Chris, est un geek dont la chambre est décorée d’objets clamant son appartenance à ce groupe : des posters de New-York 97 et d’Indiana Jones, des figurines Shaun of the dead, Ghostbusters, Duke nukem, … je suis pas contre, ça fait toujours plaisir de voir ça, et même je me suis dit que pour une fois ça ne faisait pas chambre de geek cliché avec pour seules références celles reconnaissables immédiatement par le grand public. Mais le détail de trop, qui fait dire "eh, eh, z’avez compris, c’est un geek", c’est le site "Papy geek" sur son ordi… Dommage.
Lorsqu’on a un reportage à la TV, ça se fait devant la tour Eiffel, ce qui est justifié par un prétexte tout bête ; j’avais plus impression qu’on voulait donner une image de carte postale de Paris pour les spectateurs étrangers que vise ce film au titre en anglais. Même chose quand les personnages se battent devant le mont St Michel ou sur un toit avec la tour Eiffel et l’arc de Triomphe biens en vue.
Bon après je vais pas m’étendre sur toutes les actions des voisins qui se passent juste devant l’œillet de la porte de Chris, ni sur cette caméra tombée juste au bon endroit pour tout filmer d’une scène (c’est un détail mais rien que la façon dont elle est penchée, alors que ce type de caméra, une fois posée au sol, est stabilisée, fait factice), à laquelle Chris sourit un bon moment quand il la reprend, en prenant soin de bien cadrer son visage.

Les dialogues ne sont pas bien naturels non plus. J’ai l’impression que le scénariste s’est dit "il faudrait qu’on en vienne à aborder ce sujet… mais comment ?", et qu’il n’a pas réfléchi bien longtemps, optant pour la solution la plus simple. Ainsi, des personnages en viennent à dériver sur des sujets de façon assez forcée.
Chris vient de rencontrer un type dans la rue, qui lui demande tout simplement de l’aider à faire le point sur son téléscope. "Ah mais vous êtes cosmonaute, spationaute ?" (what ?)
Après ça, il le retient pour aborder des sujets divers : "… mais mon fils a raison, il fait si beau ce soir, c’est le bon moment pour inviter une amie au restaurant", ou encore "ah mais ça me fait plaisir ce que vous me dites là, c’est vrai, c’est bien de tisser des liens avec ses parents, blablabla". Toutes ces discussions sorties un peu de nulle part ne sont justifiées que par le besoin du scénariste d’incommoder son personnage, en remuant le couteau dans la plaie en évoquant la fille qu’il doit rejoindre, puis son père que notre héros a vu taillader sa mère quand il était enfant.
Oui car, même si ça ne sert pas à grand-chose au final, dans la séquence d’intro, on voit le père de Chris attaquer la mère de ce dernier au couteau.
Ca arrive à l’issue d’une dispute assez banale, qui s’envenime sans qu’on y croie. Enfin dans ce film les gens semblent ne pas avoir de problèmes à sortir une arme un peu de nulle part : un voyou t’embête dans la rue ? Hop, tu sors ton sabre, un peu out of nowhere.
Il semble que dans certains cas (pas tous), ce soit la comète qui rend les gens fous. Je ne sais pas pourquoi certains personnages sont atteints et pas d’autres, et ce n’est pas assez explicite pour ne pas se sentir dérangé lors de certaines actions WTF. La femme qui fixe Chris du regard en appelant son chien, ou alors la jeune nympho dans le supermarché. Cette dernière commence à parler de tequila et bien qu’elle soit en face d’un Chris qui reste absolument muet, cela ne la dérange pas le moins du monde, elle part dans tout un discours promouvant l’alcool (on croirait la version longue d’une pub) où elle finit par se fâcher en pensant que notre héros ne veut pas baiser avec elle.
Je vois un peu ce que le réal voulait faire, mais c’est un moment qui devait être assez délicat et hasardeux sur le papier déjà, et qui aurait pu marcher, mais avec un meilleur jeu d’acteur (et encore, ça aurait été compliqué). Pareil quand un personnage en poignarde un autre, se rend soudainement compte de son erreur, et s’en excuse. Dans Dead shadows, c’est juste ridicule.
Je pense qu’il aurait fallu supprimer ces moments, difficiles à faire fonctionner, ou trouver autre chose. Car en fait, je ne tiens pas vraiment à blâmer le jeu des acteurs, il n’est pas si mauvais, et je suis assez indulgent concernant ses défauts.

Il y a quand même des trucs que les meilleurs acteurs du monde n’auraient pas pu faire passer. Chris qui voit un couple s’apprêter à baiser, et qui reste planté devant la scène, dans l’entrebâillement d’une porte. Hilarant. Et quand le type sort son gros tentacule pour enculer la fille, Chris repart, pas l’air d’avoir été trop secoué. C’est un héros qui encaisse bien, depuis le meurtre de sa mère, on dirait (enfin est-elle morte ? qu’est-il advenu de ses parents ? on n’en sait rien du tout au final, comme si on s’en fichait).
Après il voit une femme dont le visage fond. Il part en fuyant, mais il a pas l’air plus choqué que ça. En parlant de ce moment, les FX sont pas si mauvais, mais leur utilisation est horrible. Sûrement parce que le visage se désagrégeait trop lentement, on alterne les plans sur celui-ci avec d’autres présentant la soirée, et à chaque fois qu’on revient au visage en décomposition, il a changé bien plus qu’il n’aurait dû entretemps. C’est assez rigolo. Surtout que Chris, pendant tout ce temps, reste là, et ne s’enfuit que quand c’est fini, que le visage a bien fondu entièrement.
Pas possible de s’attacher à ce personnage principal. Je veux bien qu’il soit réservé, c’est d’ailleurs ça qui m’intéressait au départ, mais là c’est abusé. Je ne sais pas trop comment, mais trois fois dans la même soirée, il y a une fille différente qui l’aborde et insiste pour le draguer, alors même qu’il reste tout à fait inexpressif, complètement muet par moments.
Il parle uniquement à sa voisine, Claire, pour pas dire grand-chose d’intéressant. Une fois l’invasion alien lancée, Chris se met en tête de retrouver Claire, même s’ils n’ont rien en commun et qu’on n’a pas vraiment assisté à un attachement entre eux. Pour moi, que Claire soit bourrée et qu’elle caresse Chris, ça ne compte pas ; le fait qu’elle se moque des gens qui font "la guerre sur des jeux en ligne" et que Chris fait comme si ce n’était pas son genre, ça c’est un truc que je retiens par contre.

Vers les ¾ du film, je me suis posé cette question : "qu’est-ce qui justifie ce film ?". Je veux dire, c’est pas comme si c’était un blockbuster Hollywoodien plein de fric où on peut nous resservir aisément la même formule vue et revue, là c’est un petit film français sans trop de moyens au départ pour lequel des gens se sont battus, ça veut dire qu’il y a bien un truc dans Dead shadows en lequel ils croyaient profondément.
Je me suis posé la question, car je ne voyais pas ce que ce film avait d’original ou ce qu’il apportait de nouveau, je ne voyais pas ce qui justifiait qu’on se démène autant pour que ce film existe.
Ce qui aurait pu faire l’originalité de Dead shadows, ce sont ses idées de départ, celles qui m’avaient plu, celles qui sont abandonnées en cours de route pour qu’on n’ait plus que des situations-types vues tant de fois : le mec qui veut sauver sa meuf, le badass surarmé qui se sacrifie avant de mourir car il sait qu’il est foutu, … Même les créatures aliens ressemblent à d’autres qu’on a déjà vu : j’ai pensé à The faculty, aux jeux Resident evil, à Brain damage pour la scène de sexe.
J’ai cru qu’on avait un challenge intéressant avec la créature-araignée, (car je pensais que c’était Claire), et en fait non…
La peur du noir de Chris, on constate son ampleur quand il allume une dizaine de lampes dans sa chambre. Il arrive ensuite à se rendre à une party, et confesse qu’il fait un effort surhumain pour être là. Ensuite, il va combattre des créatures en pleine nuit et… on ne reparle plus de sa phobie. C’est passé, faut croire.

La fin, d’un point de vue narratif et technique, c’est la catastrophe.
On découvre que la comète a atterri sur le toit d’un immeuble. Ce truc fumant, issu de l’espace, est posé là, sur le toit, sans avoir traversé le béton ou quoi. Il aurait mieux valu simplement s’en passer, de cette idée déjà absurde, car placer cette comète dans le décor influe sur le cadre : il ne faut pas que la caméra bouge, surtout pas, sinon cela voudrait dire qu’en post-prod on devrait adapter la position de la comète en CGI en fonction des mouvements de la caméra !
On se retrouve avec des plans tout à fait factices, qui font penser à un jeu-vidéo en side-scrolling à la Street fighter, où des personnages se battent au premier plan, tandis que derrière on a un décor qui semble tout plat.
Enfin ce qui part vraiment en miettes vers la fin du film, alors que ça fonctionnait très bien jusque là, c’est la composition sonore. De nombreux bruitages n’ont plus rien de crédible, on les croirait issus d’ailleurs pour être collés sur la bande-son de ce film-ci, et il y en a même un (du genre qui fait "sprotch", v’voyez, quand on écrase la tête de quelqu’un) utilisé plusieurs fois de suite. C’est désolant de voir ça dans un film réalisé pour le cinéma, et pas pour une diffusion réduite au circuit internet.

Déçu. Et je suis désolé pour l’équipe qui a, apparemment, bossé longtemps sur ce film.
J’avais envie d’avoir de l’affection pour Dead shadows, et j’en ai en quelque sorte encore un peu, parce que c’est un film de SF/horreur français et que ce genre d’initiative est trop rare, mais… non, il y a trop de choses qu’on ne peut excuser.
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le 10 sept. 2012

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Wykydtron IV

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