Confessions intimes (où je dévoile des éléments de l'intrigue)

J'étais fort curieux de découvrir ce film pour deux raisons. D'abord pour Ridremont. Je ne sais pas s'il est rtès connu en France, amis en Belgique il est incontournable pour ceux qui se déplacent en voiture et écoutent la radio ; en effet, on peut dire sans exagérer, je crois, que 40% des pubs radiophoniques utilisent sa voix. C'est parfois un peu lassant quand on tombe sur deux pubs d'affilée auxquelles il a participé. Ensuite pour le pitch plutôt audacieux. Je me suis vraiment demandé comment il allait réussir à faire tenir un film de la sorte, avec juste un mec qui parle pour sauver sa peau. Parce que toute la promo tournait autour de ça. Dès lors, on s'imagine un film verbeux, philosophique, absurde.


Et là déception. Double déception même. Parce qu'aucune des raisons qui m'ont poussé à voir le film ne m'ont satisfait.


En fait ça n'a rien d'un huis clos. Bon, en soi, pas de panique, c'est un peu décevant mais ça ne veut pas dire que ce sera mauvais. Hélas... ça l'est. Les dialogues sont archi mauvais. D'une lourdeur effarante. Les personnages parlent avec leurs grosses phrases, sans aucune délicatesse. Aucune préparation de quelque sorte dans le discours, les personnages énoncent de manière grossière leur vie. L'intrigue est très très pauvre. Pas vraiment de conflits. Le personnage principal se met à parler pendant 10 minutes, est aidé par de superbes flashbacks, nous fait comprendre qu'il est méchant mais qu'il a eu une enfance malheureuse. Le truc bien lourd. Et puis c'est tout. Le personnage reparlera un petit peu plus tard, mais presque pas.


En fait, Ridremont trouve tous les prétextes imaginables pour faire parler le moins possibles son personnage. Le concept n'a donc plus tellement de sens. D'un côté j'ai quand même envie de dire heureusement vu la qualité des dialogues. Mais quand même. L'idée de base s'avère en fait très pauvrement exploitée. On sort de la prison et on s'attarde sur les autres personnages. Eux aussi ont des choses à déballer... ça tombe bien il faut faire passer le temps entre deux séances avec le personnage principal. On découvre que tout le monde a une blessure secrète. C'est tout mignon tout plein. Et puis voilà, chacun y va de son anecdote malheureuse. Et assez bizarrement, c'est ainsi que Ridremont prépare ses résolutions : parler, ça rend les gens compatissants. Du coup, tout le monde il devient super gentil après avoir déballé son sac. C'est un peu écœurant.


À la limite, pourquoi pas. Je suis du genre à penser qu'on peut être ami avec n'importe qui, que le fait de parler avec quelqu'un peut vraiment aider à se prendre d'empathie avec n'importe qui, à condition que l'effort vienne des deux côtés. Mais cela ne se fait pas d'un coup. Il faut insister sur les échanges verbeux, il faut créer une évolution, des doutes. Rien de cela ici. Une anecdote égale une victoire de canard. Dès que le patron de la prison partage son deuil, il devient sympa (aussi sympa que quand il est le patron d'une école-orphelinat et qu'il se met à jouer au foot avec les gamins sans aucune raison, tiens).


Donc : pas d'histoire, pas de narration, pas de dialogues. Reste l'humour puisque c'est vendu comme une comédie. Et là, il faut bien admettre que j'ai souri deux fois sur tout le film. Ces deux passages étaient drôles. Le reste : soit pas drôle parce que le gag assez naze/facile/raté, soit pas drôle parce qu'il ne s'agit pas d'un moment comique mais plutôt dramatique. Et ça des moments dramatiques y en a plein. D'ailleurs y a plein de personnages qui pleurent dans ce film. En même temps, vu qu'on est en plein dans une orgie de souvenirs tristounets, comment faire autrement.


Et bien sûr, Ridremont, il décide d'en rajouter une couche avec sa mise en scène : il sort les gros violons à la première occasion, fait des gros plans sur les visages tout tristes, ou bien place une ombre sur un personnage quand il révèle sa véritable face. C'est donc assez lourd, Ridremont n'a pas le talent pour filmer une scène, comme quoi on ne s'improvise pas réalisateur comme ça (je n'ai pas vérifié sa filmographie, je ne sais pas s'il a réalisé d'autres petits trucs avant pour se faire la main).


Le découpage d'une manière générale est assez pauvre : les plans ne sont pas vraiment réfléchis, certaines actions sont même inutilement surdécoupées. Et puis ce qui agace, c'est cette caméra en mode bourré : la caméra qui tourne autour de son sujet comme si elle essayait de le suivre mais n'y arrivait jamais vraiment. Cela n'a aucune signification, c'est un style que je ne comprends pas. Je pense qu'un tel sujet aurait demandé bien plus de sobriété dans la mise en scène. Mais dès le début, avec ces panos circulaires autour du condamné lors de la première session, on comprend que Ridremont ne sait pas trop ce qu'il fait mais qu'il le fait quand même. Évidemment, tout ce maniérisme ne serait rien sans ces filtres jaunes pour donner une ambiance. C'est l'esthétique du pauvre. On se croirait presque chez Jeunet.


Ridremont n'est pas seulement mauvais réalisateur, il est aussi mauvais acteur. Enfin, ça passe encore. Disons qu'il a tendance à trop en faire. Il a toujours sa bonne voix, qu'il régule très bien, mais son corps, en revanche, il ne semble pas toujours savoir quoi en faire. Certaines scènes passent bien, d'autres sont franchement pénibles (la fin notamment). Les autres acteurs se débrouillent et sauvent un peu la mise malgré leurs personnages pas très bien exploités.


Bref, "Dead Man Talking" est un sacré mauvais film. Le scénario est mou, vide, bourré de facilités, les personnages sont pauvrement construits et exploités, la mise en scène pénible de lourdeur, l'humour rarement efficace, le drame bien trop proche du misérabilisme. C'est triste, parce que j'aime bien Ridremont et que je voulais y croire en sa reconversion prophétique. Dommage.

Fatpooper
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le 29 juin 2015

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