Par bien des aspects, ‘Dead Man Talinkg’ est imparfait. Que ce soit le scénario, la mise en scène, ou l’ambiance générale, chaque étape de la production présente des défauts plus ou moins évidents. En revanche, ces faiblesses ne sont que les contreparties de prises de risques, sur le fond comme sur la forme.

De prime abord, le concept est intriguant, à la fois crédible et propice à la réflexion avec sa dimension médiatique. Pour autant, la principale difficulté de l’œuvre allait être de rendre le récit du criminel suffisamment prenant pour justifier l’intérêt de l’émission dont il ferait l’objet. Mais le film s’en sort étonnamment bien. William Lamers se livre et se dévoile comme il est, sans chercher à cacher sa culpabilité et ses accès de violence. Pour cela, le film mêle monologue narratif et flashbacks intelligents. On regrettera simplement que la fin du récit soit aussi grossière dans sa démarche pour nous faire prendre pitié du personnage.

Outre le conte de la vie du condamné, l’intrigue politique qui se greffe au sujet élève elle aussi le rythme du film. Les campagnes électorales des candidats sont évidemment caricaturales, mais l’intention est honnête. De même, les sous-intrigues que le film construit (la famille Raven, la femme de Julius) sont superficielles, mais sonnent juste vis-à-vis de la thématique et de l’atmosphère générale.

En fait, l’ambiance même de ‘Dead Man Talinkg’ est déconcertante. Le sujet est traité avec une étonnante alchimie entre gravité et burlesque, et le résultat est convaincant. Le ton est donné par l’introduction, avec ses courts plans fixes des lieux et des personnages qui prendront part au récit : à la maison décrépie de l’enfance de William succède les participants exubérants de la fête de Brodeck, puis le crime enragé qui a conduit le personnage principal à l’exécution. Et à nouveau, la gravité de la situation fait place à la nonchalance de l’aumônier bénissant le condamné à mort.

Pour assurer cet improbable équilibre entre situation sérieuse et décalage amusant, l’œuvre propose un humour noir de qualité. Que ce soit le personnage de Karl Raven et ses remarques cinglantes et désabusées, William Lamers et sa résignation, ou la froideur inhumaine des personnages politiques, les piques sont nombreuses et de qualité. On retiendra évidemment le « fumer tue » de Willam, et sa blague cochonne en autographe.

Le réalisateur Patrick Ridremont, également acteur principal, offre une réalisation cohérente, mais qui souffre de quelques ratages. En premier lieu, l’écran géant rediffusant le monologue de Willam, malheureusement cliché. En revanche, la mise en scène est tout à fait satisfaisante sur l’ensemble du film, et même dans ses flashbacks. On aurait tout de même pu attendre plus d’originalité pour les plans dans la prison, mais la dernière image de William rattrape l’œuvre.

D’ailleurs, le réalisateur s’est tout de même permis une virée hors des sentiers battus : le passage rêvé de William entre la vie et la mort est relativement intéressant. Non seulement il met en scène des éléments intéressants sur mais il met également en lumière le gardien silencieux qui se tient derrière le condamné tous les soirs. De là, il est fort à parier que le muet incarnait en réalité la Mort (à moins qu’il ne s’agisse d’un ange ?), comme le suggère le superbe plan final.

Là où le mât blesse, c’est dans la bande-originale. Tous les morceaux sont composés de cordes cherchant à provoquer les sanglots. C’est particulièrement dommage, compte tenu de l’atmosphère ambivalente de l’œuvre. Cela n’enlève rien à la prestation des acteurs, tous très bons, même Jean-Luc Couchard en ridicule Stieg Brodeck, mais la déclaration intime de Karl Raven sur la mort de sa femme aurait mérité un autre traitement, compte tenu du caractère du personnage.

Une œuvre originale dans son scénario et dans le traitement qu’elle en fait.
Kroakkroqgar
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le 1 avr. 2014

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