Dead Man Talking par LeSuricateMag
Ce qui effraie le spectateur lambda mais qui émoustille le cinéphile, c’est certainement l’idée de voir un film belge. Si à l’habitude, on se range du côté des spectateurs, Dead Man Talking nous a prouvé le contraire en nous présentant un drame aux multiples vertus. De la qualité des prises de vue à la prestation cinq étoiles de chacun des comédiens présents sur le plateau, ce film aux budgets relativement modestes est une production originale dotée d’un scénario intelligent, mêlant habillement l’humour noir à la lourdeur émotionnelle à laquelle la réalisation nous confronte.
Dès les premiers roulements de bobines, le décor est fixé. On assiste à un drame social qui nous obligera à rentrer en symbiose avec le personnage principal qu’est William Lamers. Mais voilà, pour sa première réalisation, Patrick Ridremont nous oblige à compatir et à entrer dans la peau d’un condamné à mort qui, à l’inverse de beaucoup d’autres de ses congénères romanesques, est un homme vide, brutal, dénué de tout sentiment, un écorché vif à qui la vie n’a pas fait de cadeau, un mec à qui la société aimerait ne pas avoir donné vie. Ce sentiment désagréable de compassion mortifie notre perception des choses, des gestes et des choix que peut faire une société. Penaud, au fond de notre siège, on suit pas à pas l’histoire que nous narre cet homme. Une histoire triste, violente, misérable,... son histoire.
Rassurez-vous, la lourdeur de cette toile de fond, jaunie volontairement par la réalisation, est apaisée par le côté surréaliste des diverses scènes que nous présente ce long métrage. À commencer par l’histoire en elle-même. De fait, on suit le parcours d’un condamné à mort qui se voit offrir l’opportunité de dire une dernière phrase avant l’heure fatidique de son exécution. Mais voilà, William Lamers ne se tait plus. Comme si la mort le libérait d’un mutisme émotionnel, le prisonnier raconte son histoire au grand étonnement du bourreau et du directeur de la prison qui ne savent que faire devant un tel cas. Par ce vide juridique et la sempiternelle rédemption narrative du détenu, de nombreux enjeux politiques et lucratifs vont entrer dans la danse et le monde va s’éprendre pour ce show inédit.
Côté casting, Patrick Ridremont a choisi de se mettre en scène. Excellent du début à la fin, cet acteur est un monstre de justesse et convainc dans le rôle de William Lamers. Ce dramaturge venu de la scène signe une prestation aussi remarquable que sa réalisation. Outre celui-ci, il faut souligner l’admirable prestation collective. Si on ne devait cependant retenir qu’un seul acteur, ce serait certainement Denis Mpunga. Inconnu jusqu’à aujourd’hui, il incarne le gardien de la prison de manière époustouflante comme peu d’acteurs sont capables de le faire. Fusionnel avec son personnage, il capte littéralement la caméra.
En résumé, Dead Man Talking est un produit belge à la fois complexe et surréaliste, pourvu d’un scénario riche aux multiples facettes à l’instar de son protagoniste principal. Une tranche d’humanité.
Matthieu Matthys