Disons-le de suite : Benoît Magimel est impeccable, ironiquement le cœur battant du film. Le sujet du droit de mourir dignement, avec un accompagnement médical et familial adapté, en laissant autour de soi "un bureau propre" (peut-être la plus jolie métaphore qu'on a entendu depuis bien longtemps), est évidemment d'une tristesse infinie, et on regrette alors que De son vivant se soit senti obligé d'appuyer d'un pathos gratuit et excessif (toute la fin) ce sujet qui se suffisait à lui seul pour nous faire baisser le masque le temps de se moucher copieusement. Dommage que ces scènes soient si dramatisées (on avait deviné la fin dès l'anecdote de la table ronde du début, on trouve que la romance avec l'infirmière est un peu de trop, et l'excès de "violons" nous a empêché de pleurer à la fin), car Magimel en mourant nous a fendu le cœur, la triste réalité de l'impossible deuil de la mère "lorsque son fils est vivant" (comment parvenir à anticiper une situation qui est trop dure à imaginer, comment réaliser un deuil alors que l'on peut encore physiquement voir et toucher la personne, ou plus directement : comment "accepter" ?). Catherine Deneuve, en second rôle, est tout à fait à sa place et appuie d'une émotion sincère ce binôme très touchant. Le médecin également nous a beaucoup ému, lui qui semble (mais "semble" seulement, on le devine) pouvoir accepter d'accompagner jusqu'au bout ses patients avec le sourire et une belle philosophie, avant de s'effondrer intérieurement


à la nouvelle du décès


(très belle scène, qui pour une fois n'a pas abusé des violons, et en est d'autant plus forte). Même les infirmiers ont droit à leur hommage dans des scènes bien construites où on découvre les coulisses "psychologiques" de leur travail (ils chantent, se réconfortent, parlent entre eux comme chez le psy...), un remerciement en images sincère pour leur accompagnement quotidien des mourants qui est plus que difficile. On perçoit le travail de deuil sous tous les angles : le mourant, la famille, les proches, les médecins... L'intelligence du discours est infinie dans De son vivant, et on ne regrette clairement pas de l'avoir vu, malgré la bonne dose de pathos qu'il aurait gagné à alléger pour percuter les cœurs comme un électrochoc.

Aude_L
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Festival de Cannes 2021

Créée

le 29 juil. 2021

Critique lue 3.7K fois

5 j'aime

Aude_L

Écrit par

Critique lue 3.7K fois

5

D'autres avis sur De son vivant

De son vivant
Cinephile-doux
6

Ranger le bureau de sa vie

Le Docteur Gabriel Sara, oncologue-hématologue libanais vivant à New York, joue le médecin attentif, humain et amateur de musique, qui accompagne le héros de De son vivant vers la mort. Il est...

le 16 juil. 2021

20 j'aime

De son vivant
titiro
1

C'est la vie.

J'en veux terriblement à Emmanuelle Bercot. Je lui en veux pour sa manière de traiter un sujet extrêmement délicat, et de choisir le mélodrame pesant sans une once de subtilité. Un éléphant (comme...

le 30 nov. 2021

15 j'aime

16

De son vivant
Raphoucinévore
8

"Je te pardonne, tu me pardonnes, merci, au revoir, je t'aime."

Certains pourront voir, à travers le récit en quatre saisons de ce professeur de théâtre mourant qui tente de donner du sens à sa (fin de) vie une œuvre abusivement tire-larmes. Mais personnellement,...

le 29 nov. 2021

14 j'aime

2

Du même critique

The French Dispatch
Aude_L
7

Un tapis rouge démentiel

Un Wes Anderson qui reste égal à l'inventivité folle, au casting hallucinatoire et à l'esthétique (comme toujours) brillante de son auteur, mais qui, on l'avoue, restera certainement mineur dans sa...

le 29 juil. 2021

48 j'aime

Bob Marley: One Love
Aude_L
5

Pétard...mouillé.

Kingsley Ben-Adir est flamboyant dans le rôle du jeune lion Bob Marley, âme vivante (et tournoyante) de ce biopic à l'inverse ultra-sage, policé, et qui ne parle pas beaucoup de la vie du Monsieur...

le 14 févr. 2024

38 j'aime

Dogman
Aude_L
8

Besson a lâché les chiens !

Caleb Landry Jones est vraiment stupéfiant, nous ayant tour à tour fait peur, pitié, pleurer (l'interprétation d’Édith Piaf en clair-obscur, transcendée, avec un montage si passionné, on ne pouvait...

le 18 sept. 2023

35 j'aime