On est toujours ‘’de l’autre côté’’ pour un ‘’autre’’

De l'autre côté m'a plu par la diversité des thèmes, portés avec force et finesse par les personnages : vieillesse, (in)tolérance, militantisme, immigration, homosexualité, innocence, filiation, mort, les liens entre la Turquie et l'Allemagne (et plus largement l'Europe de l'ouest) ... Je parle des thèmes, mais ils ne sont jamais traités avec grandiloquence ou analyse globale : c'est simplement ce qui ressort de l'histoire des personnages, qui sont autant de personnes et de peuples différents qui se rencontrent. On nous invite à l'écoute, à la tolérance, à ce que chacun se défasse de ses préjugés pour pouvoir créer et jouir ensemble. (Ce n'est pas utopiste, seulement optimiste, et vu comme on accorde souvent peu de temps à tout ça, ça fait du bien.)
J'ai beaucoup aimé les différentes sortes de remise en cause : soi, son quotidien, ses proches (parents-enfants), les inconnus (Yeter et Nejat, Ayten et Susanne), les organisations ... c'est toute une recherche de justice, de justesse, de valeurs et d'équilibre. Plus qu'un idéal à investir, je le ressens comme une vision d'espoir en chacun et en tous. Ça m'a plus marqué que la mort et le désespoir qui assaillent parfois les personnages, car j'ai eu l'impression que leur "recherche de la bonne manière d'agir" primait. (Ce qui rend le film plus existentialiste que militant idéologique, mais passons ...)


Le scénario est habile, mais ça ne casse pas non plus trois pattes à un canard. Par exemple, j'ai trouvé la manœuvre du "on se croise mais on se connaît pas donc on se remarque pas mais le spectateur sait combien on est liés" absolument dénuée d'intérêt.


Pour que la complexité des personnages et des évènements puisse nous apparaître, il faut parfois être un minimum informé : par exemple, dans les années 60 (et au-delà) l'Allemagne a appelé les turcs à immigrer car c'était et est toujours nécessaire pour son économie ; aujourd'hui la population d'origine turque avoisine les 5 millions d'habitants ; le contexte est donc précis, il s'agit d'une émigration particulière et non de l'immigration en général.
Mais heureusement, il n'est pas nécessaire de connaître à fond la culture et l'histoire turque ou allemande pour apprécier le film et comprendre les situations : elles sont très émotionnelles ! Elles m'ont touché.e, mais sans être bouleversantes – je crois que ça n'est pas le but, que ça n'aurait pu qu'apporter de la niaiserie au film, tandis que là, les séquences émotion (Susanne dans le motel, Lotte qui devient mélancolique (coups de fil à sa mère..), Nejat sur la route jusqu'à la plage...) font partie intégrante du reste, elles sont légitimes, ce n’est pas seulement du pathos.


Le jeu des acteurs m'a subjugué car je l'ai trouvé à la fois juste et pas trop académique, tout juste assez personnel donc.


La façon dont les militants et organisations contestataires turques se comportent est un peu stéréotypée, presque caricaturale (je pense à tous les "amis" d'Ayten), mais ces raccourcis sont largement compensés par la figure de Güll/Ayten, qui transpire l'humain et la volonté énergique de changement. C'est seulement dommage qu'elle m'ait laissé l'impression d'une figure fragmentaire.

Nomei-Pando
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le 8 janv. 2019

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Nomei-Pando

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